Mossoul : Les risques du « tout sauf Daech »

Si les risques militaires sont évidents, il faut aussi mesurer les risques politiques de cette stratégie.

Denis Sieffert  • 26 octobre 2016 abonné·es
Mossoul : Les risques du « tout sauf Daech »
© Photo : BULENT KILIC/AFP

On ne peut évidemment que se féliciter que Mossoul soit reprise à Daech, comme cela semble inéluctable. La plupart des médias insistent à juste titre sur les difficultés militaires de l’opération qui doit se poursuivre par l’entrée des forces irakiennes dans la ville. Si les risques militaires sont évidents, et si personne ne sait quelle forme prendra la résistance des jihadistes à Mossoul, il faut cependant aussi en mesurer les risques politiques. Dans l’immédiat, le principal serait l’entrée incontrôlée de milices chiites dont les exactions ont favorisé la prise de Mossoul par Daech, en 2014. La volonté insistante de la Turquie pour participer à l’offensive masque un autre péril.

Dans cette opération où chacun a ce qu’on appelle « un agenda caché », Recep Tayyip Erdogan veut surtout faire barrage aux Kurdes irakiens, engagés en première ligne dans la bataille. Le Président turc a même affirmé, lundi, que « Mossoul, comme Alep, appartient à la Turquie »… Le troisième péril, dans l’immédiat le plus tragique, est de détourner l’attention du monde des bombardements meurtriers des aviations russe et syrienne sur Alep. C’est ce que le politologue François Burgat, dans un ouvrage important sur lequel nous reviendrons, appelle « le piège du Daech avant tout ». Pendant qu’une coalition bancale tente de chasser le mouvement islamiste de la deuxième ville d’Irak, la machine russe produit du jihadisme pour longtemps dans la deuxième ville syrienne.

En outre, il faut rappeler que l’immense majorité des migrants qui viennent en Europe, et parfois jusqu’à Calais, fuient le régime de Bachar Al-Assad. Enfin, on peut craindre, comme le politologue Jean-Pierre Filiu, que « la prise de Mossoul n’affaiblisse pas la dynamique de recrutement de Daech dans le monde entier ». Ce qui n’enlève rien à la nécessité de chasser l’organisation jihadiste de l’une de ses principales positions, avec la ville syrienne de Raqqa.

Sur le terrain, l’offensive est entrée le 24 octobre dans sa deuxième semaine. Des dizaines de milliers de combattants convergent à partir de plusieurs fronts. Les peshmergas kurdes sont positionnés à 25 km de Mossoul, dans la ville de Bashiqa, tandis que les forces d’élite fédérales irakiennes reprenaient la ville chrétienne de Qaraqosh, située à une quinzaine de km à l’est de Mossoul. Parallèlement, Daech a tenté de faire diversion en lançant une offensive sur Kirkouk, à 170 km de Mossoul. Une offensive qui aurait été repoussée par les forces irakiennes. Denis Sieffert

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