Qui ne dit mot consent

La logorrhée de François Hollande ne se différencie nullement de celle qui identifiait naguère les droites xénophobes.

Sébastien Fontenelle  • 26 octobre 2016 abonné·es
Qui ne dit mot consent
© Photo : JOEL SAGET / AFP.

Je viens de lire dans un hebdo [^1] des bouts du livre, désormais fameux, où François Hollande s’est interminablement – et de manière évidemment très calculée – épanché auprès de deux journalistes du Monde.

Je découvre qu’il leur a notamment livré cet avis sur les Roms : « On a des éléments sur les faits délictueux qui sont quand même commis, je ne dis pas majoritairement mais enfin avec une très forte présence de noms à consonance roumaine… Alors ce n’est pas que les Roms, c’est des populations roumaines, bulgares, kosovares… […]. Donc je n’ai pas de doutes sur le fait qu’il faut les évacuer, expulser, traiter, insérer quand c’est possible. »

Puis, encore, ce point de vue sur l’immigration : « Je pense qu’il y a trop d’arrivées. » (Et de préciser : « On travaille dans un quartier, on arrive à aider ces familles, on leur donne un logement… Et puis après il y en a d’autres qui arrivent, et puis d’autres qui arrivent, plus pauvres. Donc, à un moment, il faut que ça s’arrête. Ce n’est pas être mauvais républicain, au contraire. »)

J’avais auparavant lu ailleurs que le chef de l’État français explique également, dans le même ouvrage – mais ces propos-là ne sont pas rapportés par l’hebdo dont je te parlais, qui doit les trouver très à son goût –, qu’« il y a » selon lui « un problème avec l’islam ».

J’additionne alors deux plus deux et je constate, comme toi, sans surprise excessive – nous venons après tout de vivre des années où Manuel Valls nous a habitué(e)s (façon de parler) à ces proférations émétiques –, que cette logorrhée ne se différencie nullement de celle qui identifiait naguère les droites xénophobes. (La réaction ne s’y est d’ailleurs pas trompée, puisque l’un de ses plus rances libellistes, lisant cette prose présidentielle, l’a dans l’instant saluée d’un tonitruant : « François Hollande, bienvenue dans la fachosphère ! ») Mais j’observe aussi que ces vilenies ne sont pas celles qui ont fait le plus vivement réagir les commentateurs qui ont décrété, offusqués, qu’en effet – c’est le titre du livre – un président « ne devrait pas dire ces choses-là » : tout au contraire, elles n’ont suscité que fort peu de scandale – peut-être parce que la presse dominante n’en a que très (très) peu parlé, préférant se focaliser sur ce qui, dans cet ouvrage, nourrirait le concours de « petites phrases » à quoi se réduit son traitement de « la politique ».

Or, en de tels cas, qui ne dit mot consent. Cette discrétion, lorsqu’elle couvre de fait des discours aussi répulsifs, est bien sûr très (très) lourde de sens : elle nous rappelle qu’au sortir d’un quinquennat qui devait être, après cinq ans de Sarkozy, celui du retour « socialiste » à un minimum de décence dans le débat public, la peur de l’Autre est, au contraire, plus que jamais banalisée en nouveau clientélisme.

[^1] À ce propos : un courageux collaborateur de Marianne a rédigé, après ma chronique d’il y a deux semaines, une brève anonyme, rédigée dans un style tout stalinien, d’où ressort que nous serions, chez Politis, des « idiots utiles de l’islamisme ». Pauvre. Pauvre. Pauvre. Mec.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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