Chaleureuse banquise

Dans Le Voyage au Groenland, Sébastien Betbeder met en scène deux amis chez les Inuits.

Christophe Kantcheff  • 30 novembre 2016 abonné·es
Chaleureuse banquise
© Photo : DR

Extirpez deux amis, en l’occurrence Thomas (Thomas Blanchard) et Thomas (Thomas Scimeca), de leur « milieu naturel » – Paris – et placez-les dans un environnement non familier. -Exotique, même : le Groenland. Effet comique assuré. C’est d’abord sur ce décalage que joue le -quatrième long métrage de Sébastien Betbeder, Le Voyage au Groenland. Les deux trentenaires viennent rendre visite au père de l’un d’eux (François Chattot), installé depuis longtemps dans ce pays. Ils ne sont en rien préparés à ce qu’ils vont découvrir sur place.

Thomas et Thomas arrivent par hélicoptère dans un petit village loin de tout. Dès le premier soir, lors de la fête qui leur est consacrée, on leur offre du foie de phoque cru, dont les Inuits raffolent… Un choc des cultures s’annoncerait-il ? D’un côté, deux garçons, intermittents du spectacle, encore « adulescents » ; de l’autre, une population presque retirée du monde, à la vie austère et rude.

Mais non, les deux cultures ne s’entrechoquent pas, elles vont au contraire se nourrir l’une l’autre. Ça commence très simplement. Par exemple, quand Thomas et Thomas font leur footing, activité typique d’urbains occidentaux, mais en pleine banquise. Puis ce sont des échanges entre les deux amis et leurs hôtes. Au cours d’une séance de musique punk, où un rude Inuit puis l’un des Thomas prennent tour à tour le micro. Ou quand le village se mobilise pour que les deux -Français puissent valider leurs heures d’intermittents pour Pôle emploi, alors que la connexion Internet est aléatoire.

Thomas et Thomas, qui, dans ces nouvelles conditions, vont aussi plus loin dans l’expérience de leur amitié, non sans frottements parfois, s’ouvrent aux autres comme ils ne l’avaient jamais fait. Ainsi, ils s’initient naturellement à ce qui, vu de chez eux, leur aurait paru barbare : la chasse au phoque. Mais, dans cette région reculée du Groenland, où un ravitaillement extérieur ne parvient qu’une fois par semaine, les chasses au phoque et à l’ours blanc sont une nécessité pour assurer l’alimentation.

Sous ses airs de comédie, scandée par la musique acidulée de Minizza (Franck Marguin et Geoffroy Montel), Le Voyage au Groenland dévoile peu à peu un film aux résonances profondes. Le sentiment d’humanité s’y élargit : autant entre les deux amis, qui repartiront plus adultes, entre un Thomas et son père, qui se sont découverts, qu’entre les deux visiteurs et les Inuits, qui se sont authentiquement rencontrés.

Le Voyage au Groenland, Sébastien Betbeder, 1 h 38.

Cinéma
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