Espagne : Le PSOE au secours de Rajoy

Après dix mois de blocage, Mariano Rajoy a été investi chef du gouvernement grâce à l’abstention des socialistes espagnols du PSOE.

Laura Guien  • 2 novembre 2016 abonné·es
Espagne : Le PSOE au secours de Rajoy
© Photo : Getty Images/AFP

Verdict sans surprise après dix mois de blocage politique en Espagne. Samedi soir, Mariano Rajoy a comme prévu été investi chef du gouvernement grâce à l’abstention des socialistes espagnols du PSOE. Ni le départ de leur ex-leader Pedro Sánchez, qui, après avoir été forcé à la démission a également renoncé à son siège de député pour s’éviter un vote humiliant, ni le refus de 15 socialistes « rebelles » de voter l’abstention n’auront suffi à créer la surprise. Lors de ce second vote, le président du gouvernement sortant n’avait plus besoin que d’une majorité simple pour accéder au pouvoir. Objectif atteint en cumulant les voix du centre-droit de Ciudadanos et l’abstention de 68 députés socialistes. Dans le pays des Indignés, qui représentait il y a moins d’un an l’espoir d’une gauche alternative en Europe, la gauche espagnole vient ainsi, pour la première fois de son histoire, de permettre à la droite de gouverner. Comment expliquer un tel retournement de situation ?

Pour le philosophe et politologue Josep Ramonera, « il est incompréhensible qu’après quatre ans de politiques aussi cruelles que celles du Parti populaire (PP), le PSOE n’ait pas été capable de gagner ». Le spécialiste trouve toutefois une explication : « Ciudadanos est venu au secours du PP quand cela a été nécessaire, mais c’est surtout que les gauches rivalisent entre elles. Podemos s’est fait une obsession de vouloir dépasser les socialistes, et le PSOE s’est crispé sur le fait d’éviter la menace Podemos. » Une posture qui a polarisé le débat à gauche et a rendu impossible toute alliance.

Selon la politologue Marta Romero, cet échec est aussi dû à une erreur d’appréciation : « Podemos a surestimé ses forces par rapport au PSOE. » Les résultats du second scrutin de juin, nettement en dessous des attentes de la formation de Pablo Iglesias, ont creusé un peu plus les fractures internes entre les partisans d’une alliance avec le PSOE et le courant d’Iglesias, qui préférait une candidature commune avec les communistes d’Izquierda Unida.

Face à ces déchirements, la droite s’est au contraire installée dans une imperturbable inertie. « La stratégie de Rajoy : toujours attendre et se baser sur les erreurs des autres », rappelle Marta Romero. Les socialistes lui auront donné le coup de pouce décisif.

Aujourd’hui, le gouvernement de Rajoy, pourtant fragilisé par sa situation minoritaire au Parlement, se retrouve face à une opposition totalement divisée. Si les forces à gauche ne trouvent pas rapidement une solution pour dépasser leurs contradictions, la droite de Rajoy pourrait n’avoir aucune peine à gouverner. Et ce en continuant d’appliquer sa politique libérale et sa formule gagnante : ne rien faire et attendre que l’ennemi s’autodétruise. Laura Guien

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