Haro sur les services publics !

Le secteur public de la santé est particulièrement visé.

Dominique Plihon  • 30 novembre 2016 abonné·es

En annonçant la suppression de 500 000 emplois, soit 10 % des effectifs, dans la fonction publique sur cinq ans, François Fillon veut appliquer une politique d’une brutalité digne des années Thatcher au Royaume-Uni. Avec deux objectifs. En premier lieu, réduire les dépenses publiques pour financer des baisses d’impôts à hauteur de 40 milliards d’euros pour les entreprises, et de 10 milliards en faveur des Français les plus riches, notamment par la suppression hautement symbolique de l’ISF. François Fillon veut également financer ses cadeaux fiscaux par une hausse de 2 % de la TVA, dont on sait qu’elle pèse beaucoup plus sur les bas revenus !

Mais le candidat de la droite a un deuxième objectif : en s’attaquant à la fonction publique, il cherche à accélérer le démantèlement de l’État social. Il veut amplifier le travail de ses prédécesseurs, et notamment de Nicolas Sarkozy, qui avait déjà supprimé 144 000 emplois dans la fonction publique d’État de 2008 à 2012.

Le secteur public de la santé est particulièrement visé : le projet politique de Fillon est de privatiser le système hospitalier par la réduction des effectifs et la remise en cause du statut de la fonction publique hospitalière. Les hôpitaux publics seront transformés en établissements privés à but non lucratif (Espic), qui pourront être mis en faillite en cas de déficit et rachetés par la Générale de santé, un groupe privé. Le système de santé français est l’un des plus efficaces et des plus solidaires au monde. Le Danemark, le Japon et l’Allemagne dépensent plus que nous pour faire fonctionner leur système public de santé. Les dépenses de santé aux États-Unis, privatisées à 50 %, représentent 17 % du PIB, contre seulement 11,7 % en France.

À côté de l’hôpital public, l’enseignement public est également menacé. En réalité, c’est d’une augmentation des effectifs dont nous avons besoin : à l’école primaire, pour avoir le même nombre d’élèves par classe que la moyenne des pays de l’Union européenne, il faudrait apporter 30 000 emplois ! De même, c’est plusieurs milliers de postes qui devront être créés à l’université pour faire face à l’augmentation prévue de 600 000 étudiants de 2016 à 2022…

Cette attaque contre les services publics n’a donc aucun fondement : elle est purement idéologique. Rapporté à la population totale, le nombre de salariés dans la fonction publique n’est pas plus élevé en France que dans les autres pays avancés. En 2015, pour 1 000 habitants, le nombre de salariés employés dans le secteur non marchand (qui englobe la fonction publique) était égal à 126 en France, 131 aux États-Unis et 186 en Norvège.

Et si l’objectif – que l’on peut admettre – est d’assainir les finances publiques, il existe une solution évidente et beaucoup plus équitable : stopper l’évasion fiscale et récupérer ainsi les 80 milliards d’euros qui font défaut chaque année à l’État, aux hôpitaux, aux écoles et aux universités. Mais mener cette politique impliquerait de s’attaquer aux grandes entreprises et aux ménages les plus favorisés, ceux-là mêmes qui sont l’objet de tous les égards de la part de François Hollande comme de François Fillon !

Dominique Plihon Membre du conseil scientifique d’Attac.

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