Point Godwin et points communs

Trump n’est pas Hitler. Les contextes historiques diffèrent tout comme les structures politiques. Pourtant, un invariant se dessine.

Christophe Kantcheff  • 16 novembre 2016
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Point Godwin et points communs
© Photo : Brendan Smialowski / AFP

J’ouvre un livre, et voici que mes yeux tombent sur ces mots : « Qu’est-ce qui a permis à ce clown névrotique d’avoir sous son contrôle la vie de millions de gens ? » Tiens, ça me rappelle quelque chose… Plus loin : « Hurlant et gesticulant comme s’il vivait dans un état de rage permanent, il n’arrêtait pas de proférer d’absurdes accusations, toujours les mêmes, contre certaines nations, contre des groupes religieux, des partis politiques et des gouvernements étrangers. » Le portrait se précise. D’autant que ce personnage affirme avoir « été élu par la Providence pour rétablir la grandeur et la gloire de sa patrie ». Ce qui pourrait faire un beau slogan, genre « Make America great again »

Sauf que ces lignes ont été écrites en mai 1945 par Klaus Mann, dans un article intitulé « Hitler est mort », publié, avec d’autres de ses textes de cette période, dans Mise en garde, un recueil composé par les éditions Phébus (traduit de l’allemand par Dominique Laure Miermont et Corinna Gepner). Mais l’effet est troublant. Il montre aussi qu’il faut se méfier des rapprochements tentants. Car Trump n’est pas Hitler. Les contextes historiques diffèrent tout comme les structurations politiques de leurs pays respectifs. Quand Klaus Mann rappelle que « les jeunes Allemands des deux sexes, dégoûtés de l’immobilisme […] de la République de Weimar, acclamèrent » l’hitlérisme ascendant, on mesure ce qui les sépare de la jeunesse américaine qui, aujourd’hui, défile dans les rues de plusieurs grandes villes en criant : « Il n’est pas notre président ! »

Pourtant, un invariant se dessine à la lecture de Klaus Mann, émigré aux États-Unis en 1938 après avoir quitté l’Allemagne en 1933, d’une lucidité toujours exemplaire : la fascination que suscitent les populistes en détournant « à des fins destructrices », comme l’a fait Hitler, « les moyens mis à [leur] disposition par la technique moderne et la propagande ». Et l’auteur du Tournant d’exprimer un étonnement persistant : « Il était incompréhensible qu’un orateur public ayant un langage aussi primaire et maniant des procédés théâtraux aussi éculés pût s’en sortir impunément. Mais c’est ce qui arriva. » On aurait tort en effet de retirer aux citoyens leur responsabilité individuelle, ici interrogée. La démocratie n’est-elle pas l’affaire de chacun ?

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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