« Algérie du possible », de Viviane Candas : Pour l’amour des Algériens

Dans Algérie du possible, Viviane Candas cherche à élucider les conditions de la mort de son père, Yves Mathieu, avocat du FLN, en 1966.

Christophe Kantcheff  • 7 décembre 2016 abonné·es
« Algérie du possible », de Viviane Candas : Pour l’amour des Algériens
© Photo : DR

La réalisatrice d’Algérie du possible, Viviane Candas, ne saura jamais si la mort d’Yves Mathieu, son père, était accidentelle ou criminelle. C’est pourtant à partir de ce doute, cinquante ans après sa disparition sur une route d’Algérie en 1966, qu’elle s’est lancée dans ce documentaire dans l’espoir de connaître la vérité.

Algérie du possible est donc d’abord une enquête menée auprès de ceux qui ont côtoyé dans ses luttes cet homme né en 1924, avocat du FLN pendant la guerre de libération après avoir été un anticolonialiste actif en Afrique subsaharienne.

Le film commence par l’attentat commis en 1958 sur le site industriel de Mourepiane, à Marseille, par des membres du FLN, dont Yves Mathieu sera l’un des avocats. La cinéaste va ainsi dérouler la chronologie de la guerre puis des années suivant la conquête de l’indépendance en recueillant le témoignage de confrères de l’avocat (dont Jacques Vergès), d’amis et d’anciens responsables du FLN, dont Ahmed Ben Bella, Mohammed Harbi ou Chérif Belkacem, dit « Si Djamel », qui fut très proche de Mathieu et semble le plus au courant des circonstances de sa mort.

Mais à travers cette enquête se déploie un autre éclairage, presque un film supplémentaire, sur un sujet que le cinéma a peu abordé et sur lequel l’histoire officielle algérienne reste par définition discrète : comment la révolution algérienne s’est transformée au bout de quelque temps en régime autoritaire.

Yves Mathieu continue d’être le fil rouge de ce récit parce qu’au début de l’indépendance il s’est engagé dans la mise au point des fameux décrets de mars sur les biens vacants et l’autogestion, qui permettaient notamment de réquisitionner des usines abandonnées après le départ des pieds-noirs. Promulgués en 1963 par Ben Bella, ils exigeaient un profond changement de culture et une politique d’apprentissage des ouvriers à l’autogestion. Au lieu de quoi, l’État, notamment par son administration, n’a cessé de créer des obstacles à leur application. Ce « possible » en Algérie se refermait définitivement le 19 juin 1965 avec le coup d’État du colonel Boumédiène, assisté notamment d’Abdelaziz Bouteflika.

Viviane Candas a trouvé la bonne distance pour faire -d’Algérie du possible un film personnel sur un point d’histoire méconnu, dont l’enjeu est encore sensible. L’intime et le politique sont ainsi mêlés, pour donner un documentaire passionnant.

Algérie du ­possible, Viviane Candas, 1 h 22.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes