Le renoncement de Florange

François Hollande avait affiché des ambitions pour aider les reprises d’usine, mais son bilan reste décevant.

Erwan Manac'h  • 7 décembre 2016 abonné·es
Le renoncement de Florange
© Photo : PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP

Février 2012. François Hollande, candidat à la présidentielle, grimpe sur une camionnette devant les hauts-fourneaux d’Arcelor Mittal, à Florange (Lorraine). Devant les ouvriers de l’usine menacée de fermeture, il lance une promesse : les « grandes firmes » qui veulent fermer une usine seront obligées de la céder à un repreneur éventuel.

La promesse de Florange est transcrite deux ans plus tard dans le droit français, sous une forme bien moins contraignante que prévu. Le propriétaire de l’usine est tenu de chercher un repreneur, mais l’amende, s’il ignore cette obligation, est peu dissuasive (28 600 euros au maximum). Il revient par -ailleurs au propriétaire de l’usine, et à personne d’autre, de choisir finalement s’il vend ou non son unité de production. Et cette obligation ne concerne que les entreprises appartenant à un groupe de plus de mille salariés.

« L’exemple le plus criant des lacunes de ce système, c’est la papeterie de Docelles, dans les Vosges », note Benoît Borrits, économiste et spécialiste des coopératives ouvrières. Elle a été fermée en 2014, alors qu’une partie de ses 161 employés avait réuni trois millions d’euros pour reprendre l’usine. « Le groupe finlandais UPM a refusé de la céder, arguant que le prix était trop faible, et a préféré la laisser pourrir », regrette-t-il.

Les socialistes avaient également promis, en 2012, la création d’un « droit de préférence » donnant la primeur aux salariés en cas d’égalité entre plusieurs offres de reprise. Mais l’idée a fini par être abandonnée, au profit d’un simple « droit d’information », inscrit dans la loi Hamon sur l’économie sociale et solidaire.

Les reprises d’usines ont par ailleurs été considérablement freinées par la loi de juin 2013, issue de l’accord national interprofessionnel (ANI). « Les plans de sauvegarde de l’emploi [PSE] passent directement au tribunal administratif. Il n’y a plus de contestation possible devant les tribunaux d’instance, relève Benoît Borrits. Or, cela peut être déterminant. Dans le cas de l’ex-usine Fralib, par exemple, il a fallu trois ans et demi et le rejet de trois PSE successifs par les tribunaux pour qu’un accord soit finalement négocié et que l’usine puisse redémarrer en coopérative. »

Le cas récent de l’usine de barquettes en aluminium Ecopla, en Isère, a aussi démontré que les tribunaux préfèrent arbitrer en faveur des créanciers, lorsqu’une entreprise endettée est liquidée, plutôt que de faire confiance au projet de reprise des salariés. Les 77 employés du site industriel avaient pourtant recueilli trois millions d’euros pour relancer la production en coopérative. Mais le tribunal de commerce de Grenoble a préféré céder les machines au concurrent italien Cuki Cofresco, qui alignait, lui, 1,5 million d’euros et la promesse de rembourser les dettes. Il récupérerait ainsi les machines, abandonnant les salariés au guichet de Pôle emploi. Dans cette affaire, seul un appel du parquet aurait permis de relancer le dossier judiciaire, en octobre. Il a cruellement manqué.

Économie
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