Benoît Hamon sur un fil

Le socialiste doit se livrer à un numéro d’équilibriste s’il veut rassembler autour de sa candidature.

Pauline Graulle  • 8 février 2017 abonné·es
Benoît Hamon sur un fil
© Photo : CITIZENSIDE/Denis PREZAT/AFP

É tonnez-nous Benoît ». Devant la Maison de la Mutualité, dimanche dernier, la pancarte portée à bout de bras par l’habituel « homme au bonnet [1] » annonce la couleur : en ce jour de cérémonie d’investiture par le PS de son candidat à la présidentielle, Benoît Hamon est attendu au tournant. Par ses électeurs, d’abord, qui voient en lui l’espoir d’une candidature de gauche rassembleuse. Mais aussi par ces centaines de socialistes qui font la queue devant « la Mutu » en ce matin pluvieux. Beaucoup n’ont pas voté pour l’outsider de la primaire, alors ils attendent de voir.

Garder la ligne bien à gauche sans se mettre le parti à dos. Depuis le 29 janvier, le candidat s’est plutôt bien tiré de ce numéro d’équilibriste : répétant à l’envi qu’il tendait la main à Mélenchon et à Jadot mais sans leur tresser de lauriers, acceptant l’invitation de François Hollande à l’Élysée mais pour mieux avoir l’air de tourner la page, affirmant « tenir compte » des vallsistes mais aussi qu’il ne changerait pas de cap…

Un positionnement subtil – ou ambigu, c’est selon – qu’on retrouvait dimanche chez les têtes d’affiche présentes à la Mutualité. Certes, aucun poids lourd du gouvernement ne s’y était rendu, à part Najat Vallaud-Belkacem. Mais, du coup, le parterre de ministres ne comprenait aucun hollandiste encombrant : juste l’anti-Tafta Matthias Fekl, l’ex-EELV Emmanuelle Cosse, le secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Thierry Mandon, ou la secrétaire d’État aux droits des femmes, Pascale Boistard… À la tribune, l’hétérodoxe maire de Paris, Anne Hidalgo, s’est targuée « d’avoir toutes les nuances de rouge, de vert et de rose dans [son] équipe ». Autre « grosse prise », la garde des Sceaux démissionnaire, Christiane Taubira, a été accueillie comme la véritable star du jour. Mais, sans surprise, nulle trace de Manuel Valls – qui a tout de même envoyé ses lieutenants.

En apparence, tout va donc pour le mieux pour les hamonistes. Porte-parole du candidat, Sandrine Charnoz est sereine : « On ne déviera pas de la ligne, ça, c’est sûr et certain. » « On nous prédisait la mort du PS, mais il n’y a pas eu de problème », note Mathieu Hanotin. Le directeur de campagne est sur un petit nuage. Il y a les bons sondages – Hamon tutoierait les 17 % au premier tour, devant Mélenchon. Mais aussi l’espoir (peu avouable, mais l’hypothèse est probable) que Myriam El Khomri rejoigne Emmanuel Macron. Tout un symbole… Se dessine enfin la promesse d’un rassemblement rapide : Régis Juanico, porte-parole de Benoît Hamon, laisse ainsi entendre que, du côté des communistes et des Verts, tout ce petit monde devrait s’entendre sans trop de mal. « Ils veulent un groupe parlementaire, et ça tombe bien parce qu’il reste 140 circonscriptions à attribuer », glisse le député d’Argenteuil pro-Valls, Philippe Doucet.

Reste le cas Mélenchon. Le candidat de la France insoumise a demandé au socialiste de choisir entre « eux et nous ». Un piège tendu à Benoît Hamon, dont la stratégie se résume dans la formule du cardinal de Retz – « On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens ». Lassé par les « ultimatums » mélenchoniens, l’entourage du socialiste ne croit de toute façon guère à un possible rapprochement avec l’ancien camarade. Mais qu’importe : « Mélenchon, ce n’est pas notre priorité », affirme Mathieu Hanotin.

Il s’agit en revanche de siphonner son électorat. « Beaucoup de gens de gauche ne veulent pas soutenir un candidat agressif qui parle de “dégagisme”. Eh bien, on leur dit “venez chez nous !”, lance, confiant, Philippe Doucet. Et on dit la même chose à ceux qui veulent pour l’instant voter Macron mais qui vont renoncer au fur et à mesure qu’il se déportera sur la droite pour occuper le terrain perdu par Fillon, affaibli par ses affaires. »

Aller chercher les indécis dans une élection où tout est encore ouvert… En attendant, il faut verrouiller les choses au sein du parti. Malgré leur ralliement momentané, les vallsistes restent en embuscade. « Ne vous inquiétez pas, dit un proche de Hamon, ils vont monter sur le bateau et on leur fera une petite cabine bien comme il faut. » Par exemple, dans le nouvel organigramme de campagne qui sera présenté à la fin de la semaine. Philippe Doucet veut lui aussi jouer l’apaisement : « Bien sûr qu’on va s’entendre. Hamon et Valls viennent de la même matrice rocardienne, c’est la même mère, n’oubliez jamais ça ! » Chez ces nouveaux soutiens, une petite perfidie n’est jamais loin.

[1] Lire « Ce mystérieux homme à la pancarte », paru dans Politis n° 1125, du 4 novembre 2010.