Le silence de Babouillec

La poésie magnifique d’une autiste portée à la scène par Pierre Meunier.

Gilles Costaz  • 22 février 2017 abonné·es
Le silence de Babouillec
© Photo : Jean-Pierre Estournet

Hélène Nicolas, dite Babouillec, autiste qui a aujourd’hui 32 ans, ne pouvant ni parler ni écrire, brisa sa solitude le jour où, après les longues recherches de son entourage médical et familial, elle fut à même d’utiliser un alphabet en pièces cartonnées. Ses proches furent stupéfaits : Babouillec écrivait des poèmes d’une langue neuve et scintillante. De vrais diamants venus du silence. Elle est aujourd’hui publiée. C’est de son recueil Algorithme éponyme que Pierre Meunier et Marguerite Bordat ont tiré le spectacle Forbidden di sporgersi présenté au Festival d’Avignon 2015 et actuellement à Paris. Et, cet hiver, Julie Bertuccelli a présenté un très beau film sur Babouillec, Dernières Nouvelles du cosmos.

Pierre Meunier a connu les textes de Babouillec avant qu’ils paraissent, grâce à la mère de la jeune femme, Véronique Truffert. « Lisons ensemble la possible inscription chutée de nulle part, kidnappée, jetée, éjectée du fond d’un corps en itinérance passagère sur la terre comme un miroir neutralisé », écrit Babouillec, par exemple, dans l’un de ses poèmes. Une telle découverte fut l’un des chocs de la vie de Meunier, qui, pourtant, fréquente au théâtre les langages les plus inattendus. Avec Marguerite Bordat et une équipe d’acteurs, danseur et musicien (Freddy Kunze, Satchie Noro, Jean-François Pauvros et lui-même) qui restent en scène, il a cherché à faire entendre certains de ces textes et à trouver la forme qu’ils peuvent susciter.

« L’œuvre de Babouillec pose des questions sur la norme, nous a confié Pierre Meunier. C’est un langage et une pensée sur le mal qui se fait et auquel nous devons renoncer pour être socialement dignes. C’est une initiation à l’audace, à oser la liberté. Le spectacle est une expérience chaque soir. Pauvros ne joue pas la même musique pour que toute représentation coïncide avec les états du moment présent. Pourquoi, pour créer les images, ai-je ramassé un câble électrique à haute tension, une vis de moulin abandonnés ? Je n’en sais rien. Il n’y a rien à comprendre, il y a tout à prendre, si l’on veut. Rien n’est univoque. »

Forbidden di sporgersi, théâtre des Abbesses, Paris, 0142 74 22 77, jusqu’au 28 février. À l’Hippodrome de Douai les 7 et 8 mars. Algorithme éponyme, Éd. Rivages. Le DVD Dernières Nouvelles du cosmos sort le 9 mars.

Théâtre
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