« Après la fin du patriarcat »

France 2 a fait la promotion d’un ahurissant stage « viriliste ».

Sébastien Fontenelle  • 5 avril 2017 abonné·es
« Après la fin du patriarcat »
© photo : Philippe Lopez / AFP

Il y a deux mois, France 2 a diffusé dans son journal de 20 heures un ««« reportage »»» tourné en caméra cachée dans un bar PMU de Sevran (Seine-Saint-Denis) d’où il ressortait que des indigènes mâles d’apparence (plus ou moins) arabo-musulmane, essentiellement pétris de sexisme comme « au bled », œuvraient, par le moyen notamment de pénibles intimidations verbales, à ce que la clientèle de cet établissement reste exclusivement masculine.

Cette diffusion a provoqué, par les monts comme par les vaux de notre cher et vieux pays – où les zincs tachés de calva comptent si notoirement au nombre des plus hauts lieux de la mixité parmi les genres –, de scandalisées indignations : d’aussi hautes autorités politiques et morales que madame Pen et monsieur Wauquiez, additionnées, il va de soi, de quelques éminences du « socialisme » et des médias, ont durablement communié dans la vitupération de ce « café interdit aux femmes ».

Et l’on sait aujourd’hui, après que des journalistes du Bondy Blog ont mené sur place une véritable contre-enquête [1], que les assertions de France 2 étaient fausses et mensongères. Mais, au jour où ces lignes sont écrites, la chefferie de la chaîne publique, nonobstant qu’elle porte sa déontologie en sautoir, n’a toujours pas informé son public de ce qu’elle l’avait (très) gravement mystifié.

En revanche, la semaine passée, elle a fait la promotion, toujours dans le cadre de son journal de 20 heures – animé par l’inénarrable David Pujadas, qui l’a très sérieusement présenté comme une démonstration du fait qu’« un demi-siècle après la fin du patriarcat [2] beaucoup d’hommes seraient en proie à un doute existentiel » –, d’un ahurissant stage « viriliste », réservé donc aux mecs, et organisé par des « catholiques » à réaction qui tiennent, par exemple, que « la peau de l’homme est plus épaisse que celle de la femme, comme si le corps de l’homme le préparait à affronter l’extérieur », ou que, « dans presque toutes les sociétés, on attend de l’homme qu’il ait ce rôle de guide, […] qu’il marche devant, qu’il indique la route ».

Commentaire d’un participant, conquis par tant de « masculinité » revendiquée : « Pour moi, une épouse apporte beaucoup de douceur, beaucoup d’affection aux enfants – moi, je n’ai de cesse de sortir les enfants de la maison, et puis de leur apprendre tout ce qu’on peut apprendre à des jeunes enfants. »

Pour les auteurs du publi-reportage de France 2, ce sont là des opinions « traditionnelles », mais nullement excessives, et qui ne méritent donc pas d’être questionnées plus avant, et les mâles blancs qui les soutiennent ne sont en rien comparables avec les mahométans présumés dont la chaîne avait quelques semaines plus tôt dénoncé à grands coups de bobards le prétendu sexisme : c’est sans doute cette retenue retrouvée qui explique aussi pourquoi les mêmes politicien(ne)s – et autres éditocrates – qui avaient manqué de mots assez durs pour fustiger le phallocratisme imaginaire d’un estaminet séquano-dionysien se sont tenu(e)s, pour ce qui touchait à celui, bien réel, des couillus stagiaires cathos dont les tâtonnements existentiels troublent si fort Pujadas, très soigneusement coi(te)s.

[1] Lire aussi, « France 2 tombe de cheval à Sevran…», de Christophe Kantcheff, « À flux détendu ,» Politis n° 1445.

[2] Hhhhh…

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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