Pourquoi ils voteront (quand même) Hamon

Même s’ils savent que le candidat socialiste n’a aucune chance d’accéder au second tour, ces électeurs ont décidé de voter pour lui. Et tant pis si cela fait perdre Mélenchon.

Pauline Graulle  • 20 avril 2017
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Pourquoi ils voteront (quand même) Hamon
© photo : CITIZENSIDE / Patrick Batard / Citizenside / AFP

Nous sommes à trois jours du premier tour. Toute la gauche s’apprête, bon an mal an, à voter pour Jean-Luc Mélenchon. Toute ? Non ! Car d’irréductibles hamonistes résistent encore et toujours à l’injonction des sondages. Ni encartés au Parti socialiste, ni forcément votant à la primaire, ils glisseront, dimanche, un bulletin « Benoît Hamon » dans l’urne, en dépit des Ipsos, Ifop et autres Cassandre qui le donnent tous bon cinquième (autour de 7,5 % des intentions de vote). Faisant fi du vote dit « utile », ces électeurs estiment qu’il y a une véritable « utilité » politique à voter Hamon.

Pour Cécile, 40 ans, de Seine-Saint-Denis, qui travaille dans la communication, il s’agit d’abord d’un vote d’adhésion : « J’ai voté pour lui à la primaire car, même s’il est issu du PS, il a réussi à imposer des thèmes qui me tiennent à cœur : les perturbateurs endocriniens, l’écologie ou le revenu universel – même s’il s’y est finalement très mal pris pour le défendre… Il a insufflé un imaginaire de gauche dans la campagne et a porté des idées assez renversantes sur le travail et l’écologie. Cela fait des années que ma vie électorale est un enfer : j’ai voté Jospin, Chirac, Hollande. Là, pour une fois qu’un candidat me plaît, j’ai envie de donner du poids aux idées qu’il défend même si j’ai le sentiment que ça ne sert à rien pour la présidentielle qui arrive. »

Même topo de Léa, 22 ans, étudiante en science politique à la Sorbonne : « Les sondages orientent l’opinion mais ne sont pas fiables. Moi, je suis jeune, et j’ai envie de voter pour mes convictions, au moins au premier tour, et Benoît Hamon a un discours très intéressant sur la démocratie participative. »

Hanen, actuellement en Erasmus en Angleterre, applaudit celui qui, « loin d’être utopiste, a les propositions les plus conséquentes et les plus en phase avec notre époque sur le travail, les pesticides, ou la légalisation du cannabis ». « J’avais également été touchée par son discours suite à la polémique “Bilal Hamon” et la réponse qu’il avait eue à ce sujet, ainsi que ses propositions intéressantes sur l’immigration », ajoute l’étudiante.

« Il a osé fronder contre le PS pendant le quinquennat, résultat, c’est le seul qui incarne encore des valeurs socialistes : souci collectif, sens bien commun, vision de l’Europe, partage, solidarité, etc. », ajoute Caroline, 70 ans, médecin retraitée à Paris, qui vote, depuis toujours PS, PCF ou même… Arlette Laguiller.

Pour l’après-présidentielle

Sylvie, 65 ans, jeune retraitée de l’Éducation nationale habitant en Essonne, pense aussi à l’après-présidentielle : « Benoît Hamon oblige à penser la place du travail et son évolution, dans la société. En votant pour lui, je veux donner du poids à cette thématique qui me semble être un vrai sujet de réflexion pour la gauche dans les années à venir. » Et puis, ajoute-t-elle, « le suffrage universel, ça sert à mettre ses idées dans le débat public. Or je ne veux pas que les idées de Mélenchon sur l’Europe, Poutine ou le populisme occupent toute la place à gauche s’il fait un bon score dimanche ».

En creux, ce qui relie tout ce petit monde, c’est une certaine aversion pour la personnalité et la politique du candidat de la France insoumise. Alors, tant pis si « cette gauche-là » n’accède pas au second tour. « Mélenchon est épatant, brillant, mais il ne roule que pour lui », estime Caroline. « Ce personnage me fait peur, lâche Xavier [1], à Grenoble, qui votera quand même pour lui s’il arrive au second tour. Sa gouaille jouée du début des années Front de gauche, façon Georges Marchais pour se rallier la sympathie des communistes – qu’il déteste pourtant –, son mépris pour les gens qui ne pensent pas comme lui, sa vindicte démagogique face aux médias et l’insulte qu’il profère sur les journaliste qui posent “toujours les mêmes questions” en font pour moi un personnage suspect… »

Par contraste, la sérénité d’un Benoît Hamon pourtant lâché par tous ses camarades socialistes, marque des points : « Sa façon de se positionner n’est pas démago : il est dans l’ouverture, la mesure, et la tolérance vis à vis de l’islam notamment, ce qui compte beaucoup pour moi », dit Sylvie. « Avec les scandales et déclarations “chocs” qu’enchaînent les politiques ces derniers temps, sa bienveillance m’a tout de suite frappée mais aussi touchée. Il y a aussi une part de sentimentalisme dans mon choix, compte tenu des conséquences que cette élection pourrait avoir sur moi mais aussi sur le pays tout entier », ajoute Hanen.

Au fond, c’est un manque de confiance qu’inspire Jean-Luc Mélenchon aux sympathisants hamonistes : « Mélenchon ne veut pas de la sixième république, j’en suis intimement convaincu. Il veut seulement la mort de son ennemi de toujours : la sociale démocratie qui, il est vrai, a bien trahi elle aussi… », reconnaît Xavier. « J’ai l’impression que Mélenchon cache des choses, qu’il est plus radical que ce qu’il veut faire croire », explique Cécile, tandis que Sylvie loue au contraire l’« intégrité morale et intellectuelle » de Benoît Hamon. Un homme politique qu’elle a envie de voir durer au-delà de la défaite annoncée.

Politique
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