Législatives : chaque voix se compte en euros

Le financement public des partis dépend principalement de leurs résultats aux législatives. Ce qui pousse à la multiplication des étiquettes et à la dispersion des forces.

Michel Soudais  • 31 mai 2017 abonné·es
Législatives : chaque voix se compte en euros
© SAMUEL COULON / Citizenside / AFP

Le sujet n’est pas de ceux que les dirigeants politiques évoquent en public. C’est toutefois une préoccupation commune à tous les partis. Sans exception. Pour tous, petits ou grands, les élections législatives constituent la principale source de financement public. Et cette manne peut représenter jusqu’à la moitié du budget de certaines formations – 45,3 % au Parti socialiste, 45,8 % au Front national, 51,4 % chez Les Républicains en 2015. D’où une multiplication des candidatures et des querelles d’étiquette.

Le financement public des partis politiques procède de la loi du 11 mars 1988, qui, la première, a voulu rendre transparente financièrement la vie politique après quelques scandales retentissants. Modifiée à plusieurs reprises, cette loi instaure un contrôle du financement des partis et des campagnes électorales, et leur assure en contrepartie un financement public de leurs dépenses permanentes calculé selon deux critères cumulatifs.

Une première fraction est attribuée en fonction de leur résultat aux élections législatives. Peuvent y prétendre les partis ou groupements politiques ayant présenté des candidats ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions (en outremer, un seul candidat suffit). L’enveloppe globale de cette première fraction (34,335 millions d’euros en 2017) étant à partager entre les formations qui satisfont à ce critère, « le prix de la voix » peut varier d’une mandature à l’autre. Il était de 1,60 euro par an entre 2007 et 2012, et de 1,42 euro par an entre 2012 et 2017. En cas de non-respect de la parité, ce montant est toutefois diminué d’un pourcentage égal aux trois-quarts de l’écart entre chaque sexe rapporté au nombre total de candidats présentés. Pour n’avoir aligné que 129 femmes pour 377 hommes, Les Républicains (auparavant l’UMP) ont été privés de 3,6 millions d’euros par an, leurs voix ne leur rapportant plus que 0,90 euro par an et l’État conservant les pénalités. Le PS, qui avait présenté 226 femmes pour 305 hommes, a été pénalisé de 1,3 million d’euros par an.

Une deuxième fraction – d’un montant identique – est attribuée aux partis et groupements politiques bénéficiaires de la première fraction en fonction du nombre de parlementaires ayant déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre, y être inscrits ou s’y rattacher (37 731 euros par an par député ou sénateur en 2017). Le montant total de l’aide publique s’est ainsi élevé cette année à 63,1 millions d’euros. Et les principaux bénéficiaires étaient le PS (24,8 millions avec 392 élus) et LR (18,6 avec 333 élus) loin devant le FN (5,1 avec 4 élus), le PCF (2,9 avec 27 élus) et EELV (2,8 avec 19 élus).

Les partis ayant intérêt à présenter des candidats dans le maximum de circonscriptions, le nombre de ces derniers n’a cessé d’augmenter depuis 1988, passant en moyenne de 5 à 14 candidats par circonscription cette année. D’où aussi une floraison de partis confidentiels, en quête d’un financement. Le Trèfle, un parti écolo inexistant, avec 70 000 voix en 2012 a reçu depuis 92 000 euros par an. Ce financement qui permet l’émergence de formations nouvelles est aussi une des causes des crispations autour des investitures entre La République en marche (LREM) et le MoDem, ainsi qu’entre la France insoumise (FI) et le PCF. Une situation qui, pour ces deux dernières, s’est jouée à front renversé d’une élection à l’autre.

En 2012, le PCF n’avait accepté de soutenir Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle qu’à la condition d’un accord aux législatives lui réservant 80 % des circonscriptions en métropole, ses partenaires du Front de gauche (PG, GU, Fase) se partageant les 20 % de reliquat. En juin 2011, lors d’une conférence nationale qui devait acter ce « marché », Marie-George Buffet avait dû jouer de son autorité contre des délégués communistes qui s’inquiétaient publiquement d’un possible manque à gagner financier. Entre la FI, qui, pour continuer à populariser son programme, « L’Avenir en commun », a besoin de ressources et d’envoyer des porte-parole au Palais Bourbon, et le PCF, qui n’en a pas moins besoin pour exister, les divergences de projet et de stratégie étaient trop grandes pour concilier des intérêts matériels divergents.

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