Macron, l’envers du décor

Certaines propositions du nouveau Président semblent bienvenues, mais il suffit de gratter un peu pour que leur caractère antisocial saute aux yeux.

Dominique Plihon  • 22 mai 2017 abonné·es
Macron, l’envers du décor
© photo : Emmanuele Contini / NurPhoto / AFP

Le 8e président de la Ve République s’est fait élire à la suite d’une campagne en trompe-l’œil. L’expression préférée d’Emmanuel Macron (EM), dans ses discours électoraux, n’était-elle pas « en même temps », ce qui lui a permis d’assortir chaque promesse électorale de son contraire ?

Une des premières mesures promises par EM sera une loi sur la moralisation de la vie publique. Mais, « en même temps », EM s’apprête à mettre en place un « spoil system » à l’américaine, véritable perversion de la vie politique. Le Président veut en effet choisir lui-même, pour les mettre à sa botte, les 250 hauts fonctionnaires de la République.

La priorité d’EM, faire reculer le chômage en imposant par ordonnances une nouvelle libéralisation du marché du travail, est dans le droit fil des politiques qui ont échoué depuis trente ans. « En même temps », EM veut supprimer 120 000 postes de fonctionnaires et réduire les dépenses publiques de 50 milliards d’euros, deux mesures qui déprimeront fortement l’activité et l’emploi.

EM veut mettre en place une assurance chômage universelle en l’étendant aux non-salariés, ce qui est en soi une idée louable. Mais, « en même temps », le versement des indemnités sera supprimé après deux refus de proposition d’emploi, et le contrôle des chômeurs sera renforcé, avec l’objectif de réaliser plusieurs milliards d’euros d’économies. Le nombre de demandeurs d’emploi indemnisés augmentera, tandis que l’enveloppe globale de l’indemnisation sera réduite. Donc le montant moyen des allocations de chômage diminuera.

Protéger les travailleurs fragilisés par les mutations technologiques est un objectif d’EM : c’est la fameuse « flexisécurité ». « En même temps », EM veut supprimer le compte de pénibilité, bête noire du Medef, plafonner les indemnités prud’homales et réduire le rôle des syndicats. À qui fera-t-on croire que la protection des travailleurs sera renforcée par ces mesures ?

La réforme des retraites obéit à la même logique. Le Président veut instaurer un régime universel : pour chaque euro cotisé, le même droit à pension pour tous, ce qui peut sembler plus équitable. En réalité, ce nouveau système consacre la fin de la solidarité : ceux qui auront moins cotisé, du fait du chômage, toucheront moins à la retraite, double peine !

L’envers de la réforme fiscale est tout aussi pervers. Les patrimoines financiers seront exonérés d’ISF, au motif qu’il ne faut pas décourager le financement de l’économie. Et l’imposition des revenus financiers sera plafonnée à 30 %. Or, non seulement cette mesure profitera aux ménages les plus riches, mais les études récentes montrent que la financiarisation de l’économie voulue par EM est un frein à l’investissement productif !

L’exonération de la taxe d’habitation au profit de 80 % des contribuables doit accroître leur pouvoir d’achat. « En même temps », cette mesure réduira les ressources des collectivités locales de 10 milliards d’euros, et donc la capacité de ces dernières à assurer les services publics de proximité et dans l’éducation, au détriment des citoyens les plus fragiles.

En fin de compte, sous des apparences séduisantes, le programme économique et social d’EM obéit à une logique de régression lourde de conséquences pour l’avenir.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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