Avignon off : La saveur du combat

Philippe Durand restitue la parole des « Fralibs » de Gémenos.

Anaïs Heluin  • 12 juillet 2017 abonné·es
Avignon off : La saveur du combat
© photo : Stéphane Burlot

Leur parole nous saisit d’emblée. C’est qu’ils ont un langage bien à eux, les anciens salariés de Fralib. Des expressions forgées non seulement par leur travail dans une usine à thés, mais aussi par une succession de violences exercées par la multinationale Unilever, jusqu’à sa décision, en septembre 2010, de fermer le site de Gémenos, dans les Bouches-du-Rhône.

Dans un équilibre subtil entre récit et incarnation, Philippe Durand restitue dans 1336 (parole de Fralibs) toute la complexité de l’oralité, construite autour d’une injustice et d’une lutte, qui ont érigé au rang de héros d’un moment les travailleurs unis depuis 2014 dans la coopérative Scop-Ti.

Fruit d’entretiens réalisés à la veille de la commercialisation de la marque « 1336 », le spectacle du comédien de l’Ensemble artistique de la Comédie de Saint-Étienne est un geste contre l’oubli, qui rappelle celui de Christian Rouaud dans le film Les LIP, l’imagination au pouvoir (2006). Derrière une table en bois toute simple, face à un meuble sur lequel se dresse une petite pyramide de boîtes de thés, Philippe Durand transmet les mots des ouvriers tels qu’il les a récoltés. Avec leur belle originalité et leurs imperfections.

Avec un accent marseillais qu’il modulera tout au long de la pièce pour suggérer le passage d’un témoignage à l’autre, l’acteur commence par évoquer le passage de l’usine à un mode de fabrication chimique. Ancien boulanger reconverti dans le thé, le premier ouvrier interrogé par Philippe Durand donne à entendre une pensée élaborée et critique sur cette transition. Une pensée aiguisée par le combat et nourrie par une conscience politique qui, loin d’avoir formaté le langage des Fralibs, en a accentué les singularités. Lesquelles résonnent aujourd’hui comme une bouffée d’espoir face à la destruction en cours du code du travail.

1336 (parole de Fralibs), du 6 au 28 juillet, Festival off d’Avignon, au 11 Gilgamesh-Belleville, 11, bd de Raspail, Avignon.

Théâtre
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