Quel pragmatisme climatique  ?

Hulot entretient l’illusion d’une transition fondée sur la technologie.

Geneviève Azam  • 13 juillet 2017 abonné·es
Quel pragmatisme climatique  ?
© photo : ALAIN JOCARD / AFP

L’expérience du réchauffement climatique après le mois de juin 2017 fortifie les attentes pour des réglementations et des engagements précis, concrets, capables de stimuler les initiatives à tous les niveaux de la société.

Le dernier rapport publié par la revue Nature conforte cette attente : si les émissions de gaz à effet de serre (GES) continuent à augmenter d’ici à 2020 ou se stabilisent seulement, alors les objectifs de l’accord de Paris ne seront pas atteints. Selon l’étude, le « budget carbone » qu’il ne faudrait pas dépasser est de 150 milliards à 1 050 milliards de tonnes (Gt) de CO2 pour contenir la hausse moyenne de température entre 1,5 °C et 2 °C d’ici à 2100. Si les émissions restent au niveau actuel de 39 Gt par an, le budget carbone minimum sera donc quasi dépensé en trois ans ! Pour un réchauffement compris entre 1,5 °C et 2 °C, il resterait 600 Gt, consommées en quinze ans seulement, si rien ne change !

Le plan climat de Nicolas Hulot propose de nombreuses orientations, toutes nécessaires, notamment l’abandon progressif des énergies fossiles, la réduction de la part du nucléaire, l’efficacité énergétique, la fiscalité, la priorité aux transports du quotidien, la précarité énergétique et la rénovation des bâtiments. Mais quels sont les engagements concrets ? C’est là que le bât blesse.

En faisant l’impasse sur la taxe sur les transactions financières européennes, le plan Hulot se prive de la part des 22 milliards de recettes estimées qui aurait pu y être affectée. De surcroît, ladite taxe sur les transactions financières françaises est dans le collimateur d’Édouard Philippe, qui veut attirer la finance post-Brexit.

En ne mentionnant pas l’impératif de sobriété pour atteindre les objectifs de transition énergétique et de diminution des GES, Hulot entretient l’illusion d’une transition par simple substitution technologique. En ne précisant ni le nombre ni l’identité des réacteurs nucléaires à arrêter d’ici à 2025 pour passer à 50 % de nucléaire dans le mix électrique, il hypothèque gravement la reconversion des salariés et le processus de fermeture. Quant aux futurs « contrats de transition écologique », qui devraient trouver une première application pour la fermeture des centrales à charbon d’ici à 2022 et assurer une sécurité aux salariés, quel sera leur devenir dans le contexte de la loi travail ?

Le remplacement des objectifs chiffrés de réduction des GES à l’horizon 2050 par un objectif de neutralité carbone (équilibre entre les émissions et la capture des GES) incite aux mécanismes de compensation par les techniques controversées de capture et stockage du carbone et par les marchés carbone. La comptabilisation des « puits de carbone » à partir de l’utilisation des terres, actuellement promue par la France au niveau de l’Union européenne, est une échappatoire permettant la compensation au détriment de la réduction des émissions.

Enfin, Emmanuel Macron a annoncé la tenue d’un sommet climat à Paris fin 2017, au cours du G20 qui a par ailleurs avalisé l’expansion des énergies fossiles par les États-Unis. Il vide encore plus de son contenu la COP 23, organisée à Bonn en novembre 2017 dans le cadre des Nations unies.

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