Économie sociale : Le social… et en même temps l’entreprise

Défenseur d’une politique « pragmatique » et soucieux d’« innovation », Christophe Itier veut ouvrir le secteur associatif au mécénat et aux contrats privés.

Pauline Graulle  • 27 septembre 2017 abonné·es
Économie sociale : Le social… et en même temps l’entreprise
© photo : PHILIPPE HUGUEN/AFP

S’il y a une chose que Christophe Itier déteste, c’est bien d’« être mis dans une case ». À vrai dire, pourtant, nul ne l’ignore : dans le monde composite de l’économie sociale et solidaire, le nouveau haut-commissaire incarne à plein le versant libéral du secteur. Le quinquagénaire a beau louer les qualités du « modèle associatif français », avancer qu’il a dirigé pendant sept ans une association de protection de l’enfance, son CV parle de lui-même. L’ancien rocardien, rallié de la première heure à Emmanuel Macron, a fait ses armes au sein de Deloitte, puissant cabinet de consulting qui, dit-on, lorgne le « marché » de l’action sociale depuis la mise en place de la RGPP dans le secteur.

Gestion, rationalisation, compétitivité. Voilà donc le bois dont est fait Christophe Itier. C’est ainsi qu’il a dirigé La Sauvegarde du Nord, où il est arrivé en tant qu’auditeur Deloitte, en 2011. C’est qu’il fallait bien adapter cette énorme association (un millier de salariés) aux restrictions budgétaires imposées par le département. « Itier s’est présenté comme le chantre de l’innovation, dit Olivier Pira, délégué syndical SUD de La Sauvegarde, mais il a fait comme tout le monde. » À savoir le découpage en pôles, le regroupement en filières, la fusion avec une autre structure… À l’arrivée, SUD et la CGT dénoncent une augmentation de la souffrance au travail et la suppression d’une cinquantaine de postes. L’intéressé voit chuter sa cote de popularité locale – ce qui explique en partie sa défaite, à 43 voix, contre l’Insoumis Adrien Quatennens, à Lille, aux législatives.

En bon « pragmatique », Christophe Itier assure qu’il a surtout réussi à limiter la casse. C’est sûr, il n’est pas du genre à aller se battre pour aller chercher plus de budget, comme le faisaient jadis les directeurs de structures sociales venus du terrain. Fervent partisan de « l’hybridation », il estime que le 100 % public a vécu – et tant mieux – et que le privé, avec ses méthodes, a un rôle à jouer dans l’action sociale. Via le mécénat ou les contrats à impact social – sa marotte –, dont il n’a toutefois pas réussi à finaliser la mise en place à La Sauvegarde.

Ses allures d’homme de dialogue, pas très « politique », pourraient faire oublier « qu’il est un idéologue qui veut mêler capitalisme et action sociale », souligne Olivier Pira. « Il veut abattre les murs, et c’est vrai que, si tout ne doit pas être indexé au résultat, le secteur doit développer une culture du “reporting” », le défend Frédéric Bardeau, fondateur de Simplon.co, entreprise sociale de formation aux métiers du numérique. Au sein de son ministère, il devra apprendre à tenir ensemble les entrepreneurs et les petites associations d’éducation populaire. Écartèlement garanti.

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