Proche-Orient : une réconciliation interpalestinienne qui gêne Israël

Le Hamas est engagé dans un processus de réconciliation avec le Fatah.

Denis Sieffert  • 9 octobre 2017
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Proche-Orient : une réconciliation interpalestinienne qui gêne Israël
photo : Ali Jadallah / ANADOLU AGENCY

L’incident est révélateur. Dans la nuit de dimanche à lundi, Israël a bombardé une position du Hamas accusé d’avoir lancé une roquette que le mouvement islamiste n’a évidemment pas tirée. On sait que le Hamas traque régulièrement des groupes salafistes qui contestent son autorité à Gaza, et dont certains s’inspirent de Daech. Le mouvement est, au contraire, engagé dans un processus de réconciliation avec le Fatah, l’organisation de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, et favorable à la reconnaissance officielle d’Israël. Le 2 octobre, le Premier ministre, Rami Hamdallah, s’est d’ailleurs rendu à Gaza où il a été reçu par Ismaël Haniyeh, le nouveau leader du Hamas. Une première depuis l’éviction du Fatah par le Hamas, en 2007. Cette réconciliation inquiète le gouvernement de droite israélien, lequel justifiait jusqu’ici son refus de négocier, entre autres arguments, par la division des mouvements palestiniens. Le gouvernement de Benyamin Netanyahou va donc tout faire pour accréditer l’idée d’un double langage du Hamas.

La réconciliation semble pourtant bien engagée. À cela, plusieurs raisons. Le Hamas est très isolé à la suite des défaites des mouvements islamistes en Égypte et en Syrie. Il est aussi très contesté par la population de Gaza, asphyxiée par le blocus israélien et par le refus de l’Autorité palestinienne de payer la facture d’électricité pour le territoire. Ces derniers temps, Gaza n’avait plus guère que deux heures d’électricité par jour. Mais la nouvelle donne qui résulte de la réconciliation ne pose pas seulement problème à Israël, elle interpelle aussi les États-Unis, l’Union européenne et les Nations unies. Elle intervient à un moment charnière où la fameuse solution à « deux États », qui est la doxa de la communauté internationale, est gravement menacée par la colonisation. Quelque 430 000 colons occupent aujourd’hui la Cisjordanie, 200 000 habitent à Jérusalem-Est. Et l’extrême droite israélienne, en position de force au sein du gouvernement Netanyahou, ne fait plus mystère de vouloir annexer toute la Cisjordanie ou, à tout le moins, la zone « C », issue des accords d’Oslo, qui représente 62 % du territoire.

La communauté internationale ne va donc plus pouvoir continuer à tenir un discours officiel en faveur des « deux États », tout en laissant la colonisation galoper. Au risque de favoriser une situation d’annexion de fait qui conduirait à un apartheid qui rappellerait l’Afrique du Sud d’avant Mandela. Mahmoud Abbas lui-même n’avait-il pas évoqué cette hypothèse à la tribune de l’ONU, suggérant que, face à l’effondrement de la solution à deux États, l’Autorité pourrait lancer une campagne « pour les pleins droits au sein d’un seul État » ? Autrement dit, le droit de vote pour les Palestiniens dans un État unique où ils ne seraient pas loin d’être majoritaires. L’interminable conflit israélo-palestinien entre donc dans une nouvelle phase qui devrait obliger l’Union européenne et la France à rompre avec un silence complice.

Les échos
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