Figaro-ci, Figaro-là

Serge Dassault a su inculquer son insensibilité à la honte à ses fidèles salarié(e)s du Figaro.

Sébastien Fontenelle  • 15 novembre 2017 abonné·es
Figaro-ci, Figaro-là
© photo : CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / POOL / AFP

L****a semaine dernière, t’en souvient-il, Politis a consacré sa couverture et un opulent dossier à l’indépendance des médias. Et ça m’a donné envie d’énoncer ici quelques faits – sans trop de commentaires, pour une fois.

Fait numéro 1 : Le Figaro appartient à Serge Dassault, qui (fabrique et) vend aussi des avions. (De chasse, notamment, comme le Rafale. Au maréchal Sissi, fameux démocrate égyptien, notamment. Avec le soutien actif de M. Le Drian, notamment.)

Fait numéro 2 : tous les ans, au premier jour de l’année, Le Figaro publie un long éditorial de Serge Dassault, qui, tous les ans, répète là qu’il faut « réduire le déficit budgétaire » en « supprimant toutes les aides à l’emploi ». (Puis il va dénoncer à la télévision « tous les avantages sociaux que l’État donne, qui représentent pas loin de 30 ou 35 milliards d’euros, alors qu’on est en déficit total », et – derechef – il se met à crier : « On supprime toutes les aides ! Il ne faut pas que l’État donne de l’argent ! ») Or…

Fait numéro 3 : comme patron de presse, Serge Dassault a été littéralement gavé, au fil des ans, de dizaines de millions d’euros d’aides publiques à la presse. (Sans jamais exiger qu’on lui supprime toutes ces aides.)

Fait numéro 4 : comme fabricant et marchand d’avions, Serge Dassault a été littéralement gavé, au fil des ans, de dizaines de milliards d’euros d’aides publiques – pour le développement, par exemple, du Rafale. (Sans jamais vociférer qu’il ne fallait pas que l’État lui donne de l’argent.)

Incise : pour ce qui serait du foutage de gueule, le gars n’a donc pas vraiment de limites. Mais il faut lui reconnaître qu’il a au moins su inculquer cette insensibilité à la honte à ses fidèles salarié(e)s du Figaro. Car, en effet…

Fait numéro 5 : régulièrement, ses journalistes s’offusquent – exactement comme s’ils ne savaient pas que ces comportements sont consubstantiels au libéralisme détempéré dont ils chantent jour après jour la louange : « La fraude à la TVA coûte 100 euros par an par Européen ! La fraude à la TVA atteindrait 17 milliards d’euros ! » Or…

Fait numéro 6 : Le Monde vient de révéler que le groupe « Dassault participe au système de fraude à la TVA sur les jets privés à l’île de Man ».

Fait numéro 7 : mais là, tout le monde se tient soudain très coi, chez les journalistes du Figaro – ça regarde ailleurs, ça réfléchit à un prochain sujet sur la « fraude aux allocations-chômage : un préjudice estimé à 58 millions d’euros ».

Post-scriptum, donc : puisqu’on se parlait de presse (véritablement) indépendante, je te signale que le légendaire mensuel CQFD (où j’écris, tavu) a pris très cher depuis que le macronisme lui a retiré ses contrats aidés. Ça serait donc bien que tu t’abonnes, si tu peux, en suivant ce lien : http://cqfd-journal.org/Ce-qu-il-faut-debourser. (Bon, si vraiment tu peux pas : vole-le. Mais remets-le dans le kiosque quand t’as fini de le lire. Tu peux garder _Le Figaro, par contre.)

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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