Le voile, parce qu’elles le veulent bien

Un ouvrage collectif tente de défaire les stéréotypes sur les femmes voilées en donnant la parole à celles qui le portent.

Marine Caleb  • 15 novembre 2017 abonné·es
Le voile, parce qu’elles le veulent bien
© photo : CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP

En France, « 85 % des actes islamophobes visent les femmes », particulièrement les femmes voilées. Ce sont notamment ces violences que dénoncent les douze contributrices et contributeurs de l’ouvrage collectif Voiles et préjugés, dirigé par la journaliste Nadia Henni-Moulaï.

Publiés en octobre 2016, ces témoignages entendent déconstruire les stéréotypes qui ont envahi le débat sur le voile, en redonnant la parole aux premières concernées. Souvent caricaturées, les femmes voilées se voient « réduites à un accessoire ». N’ayant pas la « possibilité ni de penser ni de s’exprimer en tant que sujet », elles sont devenues un « objet de discours » et un « enjeu politique », affirme le texte -d’introduction.

Reflet présumé d’un refus de s’assimiler ou symbole d’oppression, le voile, à l’instar de la barbe, serait avant tout un problème de « visibilité » des fidèles de l’islam, résume la fondatrice du média MeltingBook, Nadia Henni-Moulaï. En réponse, Voiles et préjugés s’attache à humaniser et à démystifier l’objet de tant de fantasmes.

Selon ces témoignages, se voiler ou se dévoiler est avant tout un choix personnel et une liberté individuelle. Parfois une fierté, un moyen de s’affirmer, ou simplement l’étape d’une quête identitaire : à chaque femme sa signification. Les récits dépeignent ainsi la banalité du port du voile, contredisant le caractère oppressif qui lui est généralement accolé, et qui ne représente pas la majorité des situations dans les sociétés occidentales, d’après les auteurs. Militante féministe et antiraciste, fondatrice de l’association et du magazine Lallab, Sarah Zouak a le sentiment d’avoir toujours été réduite à sa confession par les non-musulmans, tout en se sentant « à part » dans la communauté musulmane extérieure à sa famille. « Engagée et ouverte », elle ne correspondait pas à l’image de la femme musulmane.

En 2016, Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, a comparé les femmes voilées à ces « nègres américains favorables à l’esclavage ». Voiles et préjugés s’inscrit en réaction à cette accusation de soumission volontaire, qui n’a d’autres effets que d’alimenter l’ignorance et d’encourager le racisme et l’islamophobie.

Voiles et préjugés, Nadia Henni-Moulaï (dir.), MeltingBook, 127 p., 13 euros.

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