Michel Gairaud (Le Ravi) : Choisir de qui on dépend

Nous sommes les esclaves consentants de ceux qui ont compris qu’un journal libre ne s’achète pas mais se finance.

Michel Gairaud  • 8 novembre 2017 abonné·es
Michel Gairaud (Le Ravi) : Choisir de qui on dépend
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Ne nous racontons pas d’histoires : on est toujours dépendant. L’important, c’est de savoir de quoi, de qui et pourquoi. En 2018, cela fera quinze ans que le mensuel Le Ravi fait vivre une presse régionale « pas pareille » en Provence-Alpes-Côte-d’Azur. L’objectif n’a pas varié : défendre un journalisme irrévérencieux vis-à-vis de toutes les formes de pouvoir – politique, économique, etc. – afin de décrypter le fonctionnement et les dysfonctionnements de la démocratie locale. D’où une ligne éditoriale conjuguant des enquêtes rigoureuses et un ton franchement satirique : un titre dédié à l’investigation uniquement illustré de dessins de presse.

Nous sommes donc totalement dépendants ! En premier lieu, de l’engagement des bénévoles de l’association La Tchatche, créée pour éditer Le Ravi et faire œuvre d’éducation populaire. Nous sommes aussi soumis au militantisme de la petite équipe – cinq journalistes et une administratrice – tolérant d’être mal payée et surmenée. Nous sommes liés à l’enthousiasme des dessinateurs (une douzaine) et des pigistes acceptant, à bas prix, d’être de l’aventure. Nous sommes tributaires du soutien des rares mécènes qui annoncent dans nos colonnes ou qui accompagnent nos projets de journalisme participatif avec les habitants des quartiers populaires. Nous sommes surtout les esclaves consentants de nos lecteurs, et en particulier de ceux qui ont compris que l’info a un coût, qu’un journal libre ne s’achète pas mais se finance : nos abonnés, qui, lors des coups durs, se font souvent donateurs.

Comme d’autres médias citoyens du « tiers secteur », nous avons choisi de multiplier et de diversifier nos ressources. Tout en cherchant à nous autofinancer au mieux, nous ne croyons pas possible, ni souhaitable, de laisser les lois du marché déterminer quels journaux ont le droit d’exister et lesquels doivent disparaître : nous sollicitons ainsi de l’État des aides à la presse, jusqu’ici majoritairement attribuées aux titres des grands groupes privés, et le soutien des collectivités publiques.

Or, de nouveau, l’horizon du Ravi est chargé : trop de lecteurs papillonnent et tardent à s’abonner ou à se réabonner ; nous n’avons pas assez de moyens pour commercialiser notre titre et nous rendre visibles dans la jungle numérique ; la diffusion en kiosques coûte plus qu’elle ne rapporte ; des politiques varois nous font un procès en diffamation pour nous bâillonner ; la nouvelle majorité LR régionale, pourtant élue afin de faire barrage au FN, ne subventionne plus nos actions dans les quartiers, etc. Nous jouons notre peau ! Bref, la routine…

Michel Gairaud Rédacteur en chef du Ravi, mensuel d’enquête et satirique en région Paca.

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