Selon que vous serez Mediapart ou Le Point

Le Point dispose donc, depuis trois ans, d’informations sur des accusations portées contre Ramadan.

Sébastien Fontenelle  • 22 novembre 2017 abonné·es
Selon que vous serez Mediapart ou Le Point
© Photo : PATRICK KOVARIK, FRED DUFOUR, MARTIN BUREAU / AFP

Comme l’ont dit et redit plusieurs de ses journalistes : Mediapart ne savait rien, jusqu’à ces dernières semaines, des accusations de viol qui ont récemment été portées contre Tariq Ramadan. Par ailleurs, Mediapart, qui avait mené dès 2016 une longue enquête – dont le moins qui se puisse dire est qu’elle était tout sauf complaisante – sur ce personnage, vient d’en publier une seconde, absolument glaçante, sur ces accusations. En d’autres termes : Mediapart – seul – fait là un excellent travail d’investigation.

Mais cela n’empêche pas que son fondateur, Edwy Plenel, continue d’essuyer, plusieurs jours après que Manuel Valls – qui semble ne plus pouvoir exister que par ces hallucinantes diatribes – a dit sa volonté de lui faire, en même temps qu’à d’autres, « rendre gorge », des calomnies abjectes et des insultes délirantes : hier encore, Luc Ferry l’a traité de « robespierriste trotsko-fanatique », puis Alain Finkielkraut, après l’avoir quant à lui traité de « fanatique », l’a très posément accusé de « couvrir l’islamisme ».

L’hebdomadaire Le Point, à l’inverse donc de Mediapart, dispose en revanche, depuis trois ans, d’informations précises sur des accusations portées contre Ramadan : c’est ce que révèle un article mis en ligne sur son site le 7 novembre dernier. Selon l’auteur de ce papier : en 2014, une jeune femme, « alors âgée de 30 ans, avait contacté Le Point » – que Franz-Olivier Giesbert ne dirigeait plus depuis le début de l’année mais dont il restait éditorialiste et conseiller – « pour présenter son manuscrit, intitulé “Un voyage en eaux troubles avec Tariq Ramadan” », et dont le « contenu était effrayant, hallucinant ».

Mais Le Point continuait, en décembre 2014, d’interviewer Ramadan comme si de rien n’était, pour recueillir son avis sur le nouveau livre de Michel Houellebecq [1].

Les imprécateurs qui vomissent aujourd’hui des torrents d’injures sur Plenel devraient donc, s’ils étaient cohérents, interpeller aussi les gens du Point, qui assurent, eux, avoir su dès 2014 l’existence d’un témoignage « effrayant » et « hallucinant », dont Mediapart n’avait pas connaissance. Pourquoi ne le font-ils pas ? Pourquoi réservent-ils à Mediapart leurs insinuations dégueulasses ?

La réponse est peut-être que Le Point contribue depuis des années, par la confection, notamment, de couvertures racoleuses sur « l’islam sans gêne » ou la burqa, à entretenir dans l’opinion un climat de défiance à l’encontre des musulmans – quand Mediapart et son fondateur ont tout au contraire fait le choix de ne jamais succomber à de telles facilités : voilà qui devait, assurément, être durement sanctionné.

[1] Franz-Olivier Giesbert ironise, dans le dernier numéro du Point – où il continue d’écrire toutes les semaines –, sur « l’inénarrable Plenel » et ses « conférences avec Ramadan » – que lui-même, par ailleurs, invitait sans problème et très régulièrement à la télévision.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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