Valentin Gaillard (Pour Politis) : Parole de lecteur…

Selon Valentin Gaillard, président de l’association Pour Politis, l’indépendance d’un journal tient aussi à l’implication de ceux qui l’achètent.

Valentin Gaillard  • 8 novembre 2017 abonné·es
Valentin Gaillard (Pour Politis) : Parole de lecteur…
© photo : J.-C. Blondeau

Interpellés le long d’un cortège de manifestation ou dans les allées d’un salon bio, le journal en main, les adhérents de l’association Pour Politis le sont souvent. À vrai dire, les curieux ont bien raison de se montrer sceptiques : quel titre de presse ne se déclare pas opportunément « indépendant » à la première occasion commerciale venue ? Le qualificatif est devenu une sorte d’incontournable dans le « bingo éditorial » d’une époque où les mots n’ont plus de sens.

Indépendance : parlons de la chose plutôt que du mot lui-même, généralité complètement lessivée à force de passer à la machine politico-publicitaire.

L’indépendance de Politis, que j’ai découvert il y a vingt ans, je l’ai d’abord devinée par l’absence de publicité commerciale dans ses pages, fait rarissime pour un hebdomadaire généraliste non satirique, véritable proclamation réjouissante en elle-même, tellement elle jure au milieu de l’océan des autres journaux.

Cette intuition originelle fut vite confirmée par l’expérience de la lecture. Au milieu des années 1990, alors que convergeaient enfin de nombreuses résistances à la contre-révolution néolibérale, Politis pouvait déjà légitimement s’affirmer – avec d’autres de sa génération, notamment Silence ! – comme précurseur. Vingt ans plus tard, le journal tient sa place d’ancien au sein de la presse « pas pareille », des « saumons » tentant de remonter le cours puissant d’un flot sombre précipitant la crise écologique et sociale.

Mais soyons rigoureux : absence de publicité et ligne éditoriale résistant à l’air du temps ne signifient pas à elles seules indépendance. Un propriétaire susceptible peut toujours entraver à mauvais escient le propos d’une rédaction. Il y faut donc une autre chose, essentielle : la « propriété des moyens de production éditoriale ». Si Politis est selon moi un journal de référence, c’est parce que ses lecteurs ne sont pas ses « amis » mais bien – avec les salariés – ses propriétaires, au sens propre. Ils forment ensemble une coopérative dans l’esprit et les faits, si ce n’est dans la forme juridique.

Rester fidèle lectrice ou lecteur d’un titre de presse indépendante, de Politis ou d’un autre, c’est donc un moyen de s’informer à bonne source, mais aussi un acte significatif et militant.

En période de crise économique aggravée et de morosité à la gauche de la gauche, ce n’est certes pas tous les jours facile ! Mais la persévérance est aussi signe d’indépendance.

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