Bonne année quand même !

Macron fait à peu près ce qu’eût fait la candidate d’extrême droite qui lui a permis de gagner la présidentielle.

Sébastien Fontenelle  • 20 décembre 2017 abonné·es
Bonne année quand même !
© photo : PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP

Emmanuel Macron est ce gars, tu sais, qui a été élu il y a huit mois président de la République française parce qu’il y avait en face de lui, au second tour de cette élection, une candidate d’extrême droite.

Dans le cours de sa campagne, il avait parlé de l’« honneur de la France à accueillir les réfugiés » – comme s’il s’agissait d’une question d’honneur [1].

Plus récemment – c’était au mois de septembre dernier –, il a fait devant l’Assemblée générale des Nations unies cette poignante déclaration : « La protection des réfugiés est un devoir moral et politique dans lequel la France a décidé de jouer son rôle. » Et, bien sûr, il s’agissait d’une sinistre plaisanterie – qui n’avait, de vrai, rien d’étonnant, car Emmanuel Macron plaisante beaucoup, bien plus encore que ne le faisaient ses prédécesseurs à la chefferie de l’État français (qui excellaient pourtant dans l’art de proférer avec un aplomb phénoménal d’énormes contre-vérités), et toujours très effrontément.

La semaine dernière, par exemple, il a déclaré lors de son intervention au sommet pour le climat qui s’est tenu à Boulogne-Billancourt : « La lutte contre le réchauffement climatique est une bataille pour préparer l’avenir. C’est le choix d’une vie en commun. » Puis : « Nous savons que plusieurs pays représentés dans cette salle disparaîtront si nous n’agissons pas. » Puis : « Chaque minute, des initiatives se mettent en place pour lutter, innover, mieux comprendre. » Mais, dans la vraie vie, Annick Girardin, ministre des Colonies des Outre-mer d’Emmanuel Macron, avait, peu de temps auparavant, annoncé la suppression du « Fonds vert » pour la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, qui sont pourtant très directement menacées par le réchauffement climatique [2].

S’agissant des réfugiés, le même cynisme dégueulasse – disons comme ça pour aller vite – est à l’œuvre. Car, en même temps qu’il prononce devant ses homologues de touchantes allocutions pleines d’« honneur » et de « morale », Emmanuel Macron organise ce que même Le Monde appelle « une politique migratoire d’une rudesse sans précédent » – et qui ne s’était donc, il faut y insister, jamais vue auparavant, même sous Sarkozy –, marquée, d’une part, par une gigantesque traque policière des migrant-e-s et de quiconque leur porte assistance, et, de l’autre, et plus récemment, par une volonté affichée de procéder à des expulsions toujours plus massives auprès de quoi les performances, jadis et naguère, de MM. Guéant et Valls (liste non exhaustive) apparaissent rétrospectivement comme des modèles de tempérance.

En somme, Emmanuel Macron fait à peu près là – avec certes plus de cautèle – ce qu’eût fait aussi, si elle avait été élue, la candidate d’extrême droite qui lui a permis de gagner la présidentielle.

Mais pourquoi se gênerait-il – quand nous restons sans réagir devant cette infamie ?

Joyeux Noël – et bonne année quand même !

[1] Mais passons.

[2] Il a finalement été rétabli.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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