Ramdam chez les Mi’gmaq

Éric Plamondon situe un western moderne et mordant dans une réserve indienne de Gaspésie.

Ingrid Merckx  • 6 décembre 2017 abonné·es
Ramdam chez les Mi’gmaq
© photo : ULF ANDERSEN/Aurimages/AFP

Une bande de quarante kilomètres carrés. Le territoire des Indiens, qui faisait des milliers de kilomètres au Québec, a fondu. « Les réserves ont remplacé les guerres. Même contenus dans de ridicules portions de terre, ils ont survécu. » Océane « sait cela ». Le soir du 11 juin 1981, l’héroïne du nouveau roman du Québécois Éric Plamondon se remémore comment les Français et les Anglais sont venus sur sa terre, après les Vikings peut-être, comment son peuple a sauvé les Blancs, qui n’auraient pas survécu sans le savoir des « sauvages ». Et comment les Blancs les ont décimés.

Océane s’en souvient parce que ce jour, celui de ses 15 ans, est aussi celui de la seconde bataille de la Ristigouche, autrement appelée « bataille du saumon » : la police est venue rafler les hommes de sa réserve au prétexte qu’ils ne respectaient pas les règles des Blancs sur les quotas de pêche et « l’espace de montaison pour le saumon ».

« Depuis des millénaires, la sagesse de l’évidence suffit à ce peuple : si on pêche trop de poissons cette année, il y en aura moins l’année prochaine. Si on pêche trop de poissons pendant des années, un jour il n’y en aura plus. » C’est avec le même sentiment d’évidence qu’Éric Plamondon revient sur cet épisode de l’histoire récente du Québec, mais vu par les Indiens. Pas tant par accès de volontarisme pédagogique que pour tenter de rétablir un peu d’équilibre avec la version officielle : « En Gaspésie, la police a eu fort à faire pour maîtriser les Amérindiens qui refusaient de se plier à l’injonction du ministère. »

Sans chevaux, sans bisons, sans instruments de négociation avec le Canada sur l’autonomie de la province française, les Mi’gmaq sont sortis des livres d’histoire. Ces informations documentaires, le romancier les distille dans un récit découpé en courts chapitres et en phrases haletantes qui attisent un effet western moderne, non démenti par le décor et la mise en scène. « Au Québec, on a tous du sang indien. Si c’est pas dans les veines, c’est sur les mains. »

Plamondon tresse réel, fiction et analyse critique avec une célérité et un parti pris non dissimulé. Il dit les « colons ». Il parle d’un temps ancien « où l’on avait commencé à se comprendre ». Et d’un temps nouveau ou une jeune fille ramassée dans les broussailles après un viol collectif est secourue par un garde-chasse démissionnaire et un Indien qui apaise sa fièvre avec des plantes. Il évoque des traditions et des légendes avec respect, mais aussi un humour qui n’épargne pas ses personnages. C’est un peu le Québec pour les nuls. Mais les nuls sont nombreux…

Taqawan, Éric Plamondon, Quidam éditeur, 196 p., 20 euros.

Littérature
Temps de lecture : 3 minutes