La vache, une question démocratique

Des philanthropes autoproclamés investissent 40 millions de dollars pour créer une vache génétiquement modifiée.

Pouria Amirshahi  • 7 février 2018
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La vache, une question démocratique
© photo : FRANK MAY / picture alliance / DPA

Pour nourrir toute l’humanité, des philanthropes autoproclamés – Bill Gates en tête – ont choisi d’investir des sommes astronomiques dans… la viande. En 2017, avec Richard Branson (fondateur de Virgin), et Jack Welch (l’ancien PDG de General Electric), le fondateur de Microsoft encourageait la recherche dans la viande artificielle, c’est-à-dire créée à partir de cellules musculaires animales, sans élevage ni abattage. On aura toutes les raisons de se méfier d’une viande produite comme on fabrique un bonbon, mais cette année, le milliardaire annonce un tout nouveau projet : 40 millions de dollars d’investissements pour créer en laboratoire une vache génétiquement modifiée plus résistante aux maladies et « aux chaleurs africaines ». Ce qui s’apparente à un sauvetage scientifique des filières d’élevage industriel est présenté comme un moyen de doter les pays pauvres en vaches afin de lutter contre la famine et la malnutrition.

L’annonce de Bill Gates intervient au moment même où, pour des raisons de survie de la planète à moyen terme, on s’interroge sur les transformations profondes à opérer en matière agricole, d’élevages et de consommation de produits carnés : il est en effet urgent de réduire notre consommation de viande (et de la remplacer par d’autres protéines) pour protéger la planète et, précisément, lutter contre la faim dans le monde.

Car selon la FAO, l’élevage serait à l’origine de 18 % des émissions de gaz à effet de serre (davantage que les transports) et de 8 % de la consommation mondiale d’eau. L’agriculture dite moderne entraîne des monocultures intensives, une raréfaction de l’eau, un appauvrissement des terres, une extinction d’autres espèces animales et végétales chassées de leur milieu naturel par l’extension des zones d’élevage. Bref, cette agriculture-là est une catastrophe humanitaire et écologique annoncée, et même déjà à l’œuvre.

On peut se poser quelques questions sur l’entreprise de Bill Gates si elle réussissait. Ou plutôt quand elle réussira, car c’est probablement ce qui va arriver. On est surtout en droit de se demander : à quel moment et dans quel cadre aurons-nous le droit de débattre et de décider si nous voulons, ou non, subir un tel modèle de « développement » ; et quel autre chemin peut prendre la civilisation humaine. Voilà un débat qui mériterait de la politique.

Edito Pouria Amirshahi
Temps de lecture : 2 minutes
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