« Fake news » : vivement la loi

Depuis que je réfléchis au nombre ahurissant de signalements que nous allons pouvoir faire, j’ai presque hâte qu’elle soit promulguée.

Sébastien Fontenelle  • 20 juin 2018 abonné·es
« Fake news » : vivement la loi
© photo : Ludovic MARIN / AFP

Dans le cadre de la préparation de la loi contre les « fake news » à laquelle tient tant Emmanuel Macron, et dont l’adoption a été repoussée, le Parlement a longuement débattu de la définition officielle d’une fausse information : il s’agit de « toute allégation ou imputation d’un fait dépourvue d’éléments de nature à la rendre vraisemblable ».

Quelques jours plus tard, Le Journal du dimanche, qui est comme on sait l’un des canaux par où transitent chaque semaine la communication et (partant) la propagande gouvernementales, rapportait qu’après avoir déploré d’abord que les aides sociales coûtent « un pognon de dingue », le même Emmanuel Macron avait ensuite piqué une grosse colère contre les « dingues de pognon » (« 2DP ») qui se votent des salaires (et autres dividendes) indécents – genre : l’ex-patron de Carrefour, Georges Plassat, qui avait empoché l’an dernier une très coquette indemnité de départ de plus de treize millions d’euros (1).

Cette affirmation du Journal du dimanche est-elle crédible ? Non point. Tout au rebours, nous disposons de très nombreux éléments permettant d’affirmer qu’elle est complètement invraisemblable.

Nous savons ainsi que, loin – très, très, très loin – de s’encolérer au spectacle des goinfreries obscènes des « grands patrons », Emmanuel Macron, président des riches (2), s’applique, depuis qu’il a été mis dans l’Élysée, et avec une exceptionnelle opiniâtreté, à nantir les « 2DP » de toujours plus d’avantages et de facilités, comme, notamment, la suppression de l’impôt sur la fortune, qui a permis aux contribuables concernés d’économiser quelque trois milliards d’euros – hellooo, happy taxpayers. Ou comme l’abolition programmée de l’« exit tax », qu’il convient de regarder pour ce qu’elle est : un encouragement de fait à l’évasion fiscale. (De sorte qu’après cinq années de son règne il n’est absolument pas douteux que ces nababs seront bien plus riches encore qu’ils ne l’étaient dans son début.)

Adoncques, et si l’on s’en tient à la rigoureuse définition discutée au Parlement, l’assertion (complaisamment relayée aussi par d’autres publications que le Journal du dimanche) selon laquelle Emmanuel Macron serait fâché contre les « dingues de pognon » est très exactement l’une (parmi tellement d’autres) de ces fausses informations dont « la diffusion » constituerait, selon le gouvernement, « une atteinte à la démocratie » et contre lesquelles il conviendrait par conséquent de « légiférer » dans l’urgence.

Résultat : j’ai presque changé d’avis. J’étais, jusqu’à présent, hostile à ce projet de loi, mais je dois reconnaître que, depuis que je réfléchis au nombre ahurissant de signalements que nous allons pouvoir faire, après son édiction, à chaque fois que nous lirons les boniments de la presse dominante, j’ai presque hâte qu’elle soit promulguée.

(1) L’excellent homme, dont la pondération devrait – s’il y a du moins une justice – être louée pour les siècles des siècles, a finalement renoncé à un quart de cette somme.

(2) Qui déplorait naguère, se le rappelle-t-on, que trop peu de jeunes Françai·se·s aient des envies de milliards.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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