Vous avez dit « fable médiatique » ?

Wagenknecht suggère que les migrants menacent la sûreté salariale des Allemands de souche.

Sébastien Fontenelle  • 3 octobre 2018 abonné·es
Vous avez dit « fable médiatique » ?
© photo : Alexander Pohl / NurPhoto / AFP

Une publication (mensuelle et) amie a inséré dans son dernier numéro un court article (1) dont l’auteur – un camarade – n’est pas très content.

D’où lui vient (une partie de) son irritation ? De ce que Denis Sieffert, dans son (délicieux) éditorial du 12 septembre dernier (2), a considéré qu’Aufstehen – l’organisation politique récemment fondée en Allemagne par Sahra Wagenknecht – était « un mouvement antimigrants ». Et ça, du point de vue du camarade précité, ce n’est pas très urbain. D’après lui, en publiant cela, Politis aurait même, scusez du peu, colporté, à l’unisson du Figaro (et de quelques autres médias mainstream)_, « une fable médiatique »_.

Car, assure-t-il : « Le texte fondateur d’Aufstehen ne contient pas la moindre considération hostile aux migrants (3)_. »_ Au surplus, ajoute-t-il en s’appuyant sur de récentes déclarations de Wagenknecht – dont il serait, suppose-t-on, irrespectueux d’imaginer qu’elle puisse n’être pas toujours d’une absolue bonne foi –, l’immigration « n’est pas » le « sujet central » de ce mouvement, dont la priorité « consiste » plutôt, toujours selon sa fondatrice, « à remettre les questions sociales à l’ordre du jour ».

Problème : dans la réalité, Sahra Wagenknecht, lorsqu’elle n’est pas occupée à proclamer (4) que l’immigration est pour elle un thème périphérique (et qu’elle préfère causer de la lutte des classes), en parle quand même régulièrement – lorsqu’elle prétend par exemple (5) que « plus d’immigration signifie de plus en plus de concurrence pour les emplois, en particulier dans le secteur des bas salaires, et bien sûr une plus grande charge sur l’infrastructure sociale », ou que « l’ouverture au monde, l’antiracisme et la protection des minorités sont un label de bien-être qui sert à cacher la rude redistribution du bas vers le haut et à procurer une bonne conscience à ceux qui en profitent (6) ». Et elle en parle donc, lorsqu’elle suggère ainsi que les migrant·e·s menacent la sûreté salariale des Allemand·e·s de souche (7), en des termes qui rappellent d’une façon assez troublante (8) ceux dont use, de ce côté-ci du Rhin, Marine Le Pen, quand cette dernière profère que l’immigration « déstabilise “notre système de protection sociale” » et « peut aussi créer une pression sur les salaires à la baisse (9) ». Ce qu’entendant, on supputerait presque que son mouvement est antimigrants…

(1) Voir ici.

(2) Voir ici.

(3) Ni, d’ailleurs, la moindre considération favorable aux migrant·e·s qui ne seraient pas des « réfugiés de guerre et climatiques » : admirable équilibre…

(4) Et nous sommes bien d’accord qu’une telle profession de foi doit être sérieusement questionnée – mais pas ici, hélas, dans le touuuuut petit espace de ces deux miiiiinuscules feuillets, dont je réclame le doublement depuis le Pléistocène.

(5) Dans une interview publiée le 11 juin 2018 par la Rhein Neckar Zeitung et citée le 4 septembre parLibération.

(6) Dans une tribune cosignée avec Bernd Stegemann et publiée le 7 août 2018 dans la Nordwest-Zeitung.

(7) Et que les antiracistes, perclu·se·s d’hypocrisie(s), sont en réalité de riches agent·e·s de la possédance.

(8) Peut-être parce que ce sont presque exactement les mêmes ?

(9) Le Monde, 14 février 2011.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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