Voyage immobile

Get The Blessing joue sur les atmosphères, les couleurs sonores et l’illusion du mouvement.

Jacques Vincent  • 23 octobre 2018 abonné·es
Voyage immobile
© photo : John Minton

Le titre de ce nouvel album de Get The Blessing, Bristopia, est bien sûr en référence à Bristol, capitale anglaise du trip-hop et ville d’origine de ce quartet fondé par deux ex-musiciens de Portishead, Clive Deamer (batterie) et Jim Barr (basse), en compagnie d’un trompettiste, Pete Judge, et d’un saxophoniste, Jake McMurchie.

Get The Blessing produit une musique instrumentale qui, comme souvent, résiste aux étiquettes. Ainsi le groupe est-il, sans doute faute de mieux, parfois rangé dans la catégorie jazz-rock, ce qui est assez déplacé pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’on n’identifie pas très bien la part du rock dans l’affaire. Ensuite parce que cette référence à un genre circonscrit aux années 1970 paraît aujourd’hui anachronique. Enfin pour son côté dépréciateur, lié à trop de musiques désincarnées, qui ne rend pas justice au groupe.

Au moins peut-on garder la partie jazz dans cette qualification, à une époque où cette catégorie est ouverte à une grande diversité de tendances, d’intentions, de sons et d’instrumentation. Ici, c’est moins le groove qui prédomine que la création ­d’atmosphères et ­d’univers qui sont autant d’invitations au voyage. Ou du moins à leur illusion quand certaines parties semblent entraîner l’auditeur dans un voyage immobile. Comme un équivalent sonore du trompe-l’œil. Une illusion créée en particulier par un goût prononcé pour les structures répétitives, qu’elles soient le fait de la rythmique ou de l’un des deux cuivres.

Toutefois, ces rondes sonores sont rarement utilisées pour les mêmes finalités. Elles peuvent aussi bien constituer la figure centrale d’une composition que des miniatures qui enluminent le canevas. C’est le cas dans « Recorded For Training And Quality Purposes » – un titre tellement formidable que l’on s’attend à l’entendre prochainement matraqué sur les radios –, où elles débouchent sur les plus beaux développements mélodiques du disque.

Avec peu de moyens, Get The Blessing crée une diversité en jouant sur les textures, les sonorités et les couleurs, introduisant même sur un titre une pedal-steel guitar, instrument peu courant dans ce genre d’entreprise, alternant les rythmes enlevés et les moments de suspension, jusqu’à un finale inattendu en vibration flottante pour une fin de voyage en apesanteur. 

Bristopia, Get The Blessing, Differ-ant.

Musique
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