« Comme elle vient » : Un psy dans le fauteuil

Avec Comme elle vient, Swen de Pauw laisse libre cours à la parole de Georges Federmann.

Jean-Claude Renard  • 8 janvier 2019 abonné·es
« Comme elle vient » : Un psy dans le fauteuil
© photo : Projectile

Face caméra, le réalisateur lui propose de se présenter. Cadré de près, Georges Federmann s’exécute. « Je suis né au Maroc, il y a soixante-deux ans maintenant. » Après avoir vécu dans le Sud de la France, à 17 ans il vient à Strasbourg pour jouer au basket. Il passe professionnel avant de faire médecine. Comme il n’a guère envie de travailler, il choisit les plus longues études, pour être psychiatre, « du moins, je crois », spécialisé dans l’accueil des marginaux, la « psychiatrie des pauvres et des étrangers ». Trente ans que ça dure. Federmann a cinq enfants de « deux lits complémentaires, deux goyes », dont la première, juriste dans le droit des étrangers, a été abattue par un malade. Une tragédie qui n’a rien entamé de ses combats.

Tel est le préambule de cette sobre confession, avec un Federmann filmé selon un dispositif scénique particulier : assis sur un fauteuil dans sa cuisine, au milieu des ustensiles et des jouets de ses deux derniers gamins. Un processus minimaliste emprunté, de l’aveu du réalisateur, à Oncle Bernard. L’anti-leçon d’économie, de Richard Brouillette (2015).

Dans son premier film documentaire, Le Divan du monde (2016), Swen de Pauw filmait les séances de Federmann. Cette fois, l’espace d’une nuit et le temps de quelques bobines 16 mm, c’est ce dernier qui parle, répondant aux brèves questions du réalisateur, dessinant son itinéraire, ses engagements. Du prix des consultations à la prétendue neutralité bienveillante du médecin, de l’hospitalité aux praticiens devenus des « libéraux fonctionnaires », des coûts du traitement de la misère aux toxicomanes, des « malgré nous » aux victimes psychiques des exactions, de la collusion entre les labos pharmaceutiques et les médecins à la stigmatisation des musulmans… Des thèmes abordés dans la simplicité et portés par une énergie stupéfiante.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes