Pas de RIC pour le fisc ?

Selon Terra Nova, le RIC pourrait finalement être une avancée démocratique… mais pas sur toutes les questions.

Thomas Coutrot  • 27 février 2019 abonné·es
Pas de RIC pour le fisc ?
© crédit photo : FRÉDÉRIC SCHEIBER / HANS LUCAS

Une fois n’est pas coutume, la fondation Terra Nova a fait œuvre utile. Les éditocrates qui depuis trois mois vilipendent les gilets jaunes sont tombés des nues en lisant son rapport sur « le référendum d’initiative citoyenne délibératif » : le RIC, slogan de la « foule haineuse », pourrait finalement être une avancée démocratique (1) !

Terra Nova prend au sérieux les arguments hostiles au RIC. « Le règne de la démagogie et des manipulations », « la complexité des questions » pour des profanes, « les dérives plébiscitaires », « la délégitimation des parlementaires » : ces risques ne sont pas imaginaires, loin de là, comme le montre le soutien au RIC de Marine Le Pen ou de Nicolas Dupont-Aignan. Mais la réponse proposée est claire et convaincante : en associant le RIC à une phase préalable d’intense démocratie délibérative, on met les électeurs en position de se faire une opinion éclairée non par les passions tristes, mais par le souci du bien commun.

Concrètement, la note propose de faire précéder le RIC par le tirage au sort d’une assemblée de cent citoyens, représentative de la diversité des électeurs, et qui sera chargée, d’une part, de formuler la question posée, d’autre part, d’évaluer les conséquences pratiques du « oui » et du « non » ; cette évaluation sera ensuite associée au matériel électoral envoyé aux citoyens. À partir de la collecte d’un nombre minimum de signatures (2 % des électeurs, soit 900 000), la question posée fera l’objet d’un contrôle par le Conseil constitutionnel, puis l’assemblée de citoyens se réunira une semaine par mois pendant trois mois, ses membres étant indemnisés pour cela. Elle auditionnera des experts de tous bords et se fera assister par des universitaires de son choix qui l’aideront à rédiger l’étude d’impact. Ses séances et auditions seront publiques.

Le RIC délibératif existe déjà dans d’autres pays (dont l’Irlande) et a été proposé par d’autres encore (2) depuis le début du mouvement des gilets jaunes. Mais le fait que cette analyse provienne d’un think tank néolibéral plutôt proche du macronisme montre le désarroi de nos élites. La note trahit tout de même leurs craintes quand elle recommande un plafond doublé (4 %) pour les questions fiscales : voter sur l’immigration ou l’avortement, pourquoi pas, mais sur les impôts et le partage des richesses, ça deviendrait dangereux ? Dommage également que la note écarte le RIC pour les traités internationaux ou pour la révision de la Constitution… En fin de compte, il est plus que probable que la proposition, malgré ses limites, soit ignorée ou dénaturée par Macron : parier sur l’intelligence du peuple, quelle idée !

(1) « Ce ne serait pas le moindre des paradoxes que le mouvement des gilets jaunes, à la forme démocratique douteuse, permette l’émergence d’un outil pour une démocratie revigorée. » (Thomas Legrand, France Inter, 19 février).

(2) Voir ici.

Thomas Coutrot Membre d’Attac et des Économistes atterrés

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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