Procès Baupin, procès d’intérêt général

Le procès de Denis Baupin pour harcèlement n’a pas eu lieu. Mais celles qui ont dénoncé ses agissements ont ainsi eu l’occasion de livrer leurs témoignages à la justice.

Ingrid Merckx  • 13 février 2019 abonné·es
Procès Baupin, procès d’intérêt général
© crédit photo : THOMAS SAMSON/AFP

Volée de bois vert. Quand l’avocat Emmanuel Pierrat traite de « mormone en chef de cette tribu » Lenaïg Bredoux, la journaliste de Mediapart au procès Baupin le 4 février, quand il brouille la frontière entre « drague lourde », « libertinage » et « harcèlement et agressions sexuels », sa robe – à lui – est tombée. La riposte a été immédiate sur Twitter contre le conseil de l’ancien élu EELV. Et ce procès est apparu dans sa vérité nue : inversion des rôles dans le procès de l’agresseur portant plainte pour diffamation contre ses victimes, mais absent aux audiences.

« Procès historique », a résumé la journaliste de L’Humanité, Marie Barbier : « Le procès en diffamation intenté par Denis Baupin à ses accusatrices et aux médias qui révélèrent leurs propos fera sans doute date dans l’histoire du droit des femmes. Le procès de Bobigny fut celui du droit à l’avortement ; celui de Denis Baupin sera celui d’un tournant dans la lutte contre les violences sexuelles. » Procès d’une presse qui fait son travail pour relayer une parole prisonnière et briser les omertas protégeant des systèmes de domination et d’abus de pouvoir : si « l’information » sur les agissements de Denis Baupin avec ses collaboratrices n’a pas fait scandale plus tôt, c’est bien parce que sa position hiérarchique menaçait leur avenir et les contraignait au silence (lire Politis n° 1404). « En tant que femme, jeune, je comprends parfaitement ce qu’ont pu ressentir Isabelle, Elen, Sandrine et les autres, a plaidé Me Claire Moléon, avocate d’Isabelle Attard. Je sais ce que c’est de devoir modifier son trajet, renoncer à ses ambitions. Ce procès est plus que d’intérêt général. »

Le procès de Denis Baupin pour harcèlement n’a pas eu lieu, pour cause de prescription des faits. Mais celles qui ont dénoncé ses agissements – Sandrine Rousseau, Isabelle Attard, Annie Lahmer, Elen Debost (photo), Laurence Mermet, Geneviève Zdrojewski – ont ainsi eu l’occasion de livrer leurs témoignages à la justice. C’est le paradoxe de cette plainte que Baupin a déposé contre elles, ce dont d’ailleurs Isabelle Attard l’a remercié à la barre. Et les médias accusés par Denis Baupin, France Inter et Mediapart, qui ont recueilli les témoignages et poursuivi l’enquête, ont été salués par la procureure. « Je remercie sincèrement les journalistes, a également déclaré Cécile Duflot, ancienne secrétaire nationale des Verts, dans Libération. Sans cette enquête, Denis Baupin aurait continué. Car dans notre parti, sous couvert de comportement libertaire, de parité et tout ça, nous étions finalement très complaisants avec la violence [sexuelle]. » Après quatre jours d’audience, le parquet a demandé la relaxe. Jugement le 19 avril.

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