Le parti pire du service national

Cette idée ancienne, en bonne place parmi les promesses du candidat Macron, ressurgit sous les pires auspices.

Pouria Amirshahi  • 6 mars 2019
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Le parti pire du service national
© photo : PATRICK HERTZOG / AFP

Il faut prendre au sérieux le projet présidentiel de « service national universel » (SNU), nouvelle version civile de l’ancien service militaire obligatoire. Figurant en bonne place parmi les promesses du candidat Macron, l’idée ne semble pas se résumer à un gadget, ni même à une tentative de diversion. Elle n’est pas neuve ni inintéressante mais, quoiqu’elle ait des partisans de principe à gauche comme à droite, elle ressurgit sous les pires auspices. Il suffit pour s’en convaincre de relire l’argumentaire gouvernemental, qui annonce trois objectifs.

Le premier est la « cohésion sociale et territoriale ». Or en quoi ces quelques semaines que les jeunes passeraient ensemble contribueraient à une telle « cohésion » ? Le maintien de certaines maternités, agences postales, lignes ferroviaires, ou encore une fiscalité plus juste sur le revenu et le patrimoine – sans compter une péréquation digne de ce nom entre territoires riches et pauvres – feraient sans doute plus sûrement leurs effets en la matière.

Le deuxième objectif« prise de conscience, par chaque génération, des enjeux de la défense et de la sécurité nationale » – est beaucoup plus inquiétant, car il n’est autre chose que de familiariser nos jeunes avec le cynisme d’État, éprouvé depuis des décennies, qui vend la paix et promeut les ventes d’armes… à des pays qui font la guerre (n’en déplaise), au nom de « notre défense et de notre sécurité nationale ». Qui va faire cette pédagogie ? Qui va dire qui sont les ennemis et qui sont les alliés ?

Enfin, rien n’est plus saugrenu que le troisième objectif – « développement de la culture de l’engagement » –, qui suppose que ce serait à l’État d’inciter à l’implication citoyenne. C’est ignorer qu’un engagement prend d’abord sa source dans une expérience de vie, une rencontre, une œuvre, un environnement, et, le plus souvent, une révolte. Y compris contre l’État, quand il est injuste. Laissons donc les jeunes choisir leurs causes et leur façon de les défendre, toujours plus inventives à chaque génération, et que personne ne leur dise ni quoi ni comment rêver.

Enfin, puisque le SNU prétend aussi « favoriser le brassage social et territorial », intention éminente, il est aussi une piste qui mériterait d’être approfondie : l’école républicaine, publique, laïque, mixte et obligatoire. Voilà un service national universel digne de ce nom.

Edito Pouria Amirshahi
Temps de lecture : 2 minutes
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