Partout dans le monde, des cours d’eau contaminés aux antibiotiques

Une étude anglaise a détecté des antibiotiques dans de nombreuses rivières. Le risque : que ces substances augmentent notre résistance à certains médicaments.

Claude-Marie Vadrot  • 3 juin 2019
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Partout dans le monde, des cours d’eau contaminés aux antibiotiques
© photo : la Tamise. crédit : MANUEL COHEN

D’après une étude menée par des scientifiques de l’université anglaise de York, de nombreuses rivières et fleuves contiennent des molécules de médicaments. Notamment des résidus d’antibiotiques non dégradés, et donc susceptible d’être absorbés par des plantes, des animaux d’élevage ou sauvage et évidemment par les êtres humains, même quand ils consomment et utilisent une eau réputée « potable ». La situation est pire encore pour les centaines de millions de gens qui ont recours à l’eau puisée directement dans la nature, même si les traitements des stations d’épuration ne modifient qu’à la marge la concentration des médicaments et particulièrement de la plupart des antibiotiques.

L’étude, qui est une première du genre, a été conduite avec des moyens considérables et de grandes précautions méthodologiques, dans les cours d’eau de 72 pays où les nombreux prélèvements cherchaient d’abord à mesurer la présence des 14 antibiotique les plus couramment utilisés. Le résultat a consterné l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Car les résultats, après analyse des 711 prélèvements, montrent que la plupart des fleuves « souffrent » de concentrations en antibiotiques qui dépassent jusqu’à 300 fois le niveau jugé acceptable par les responsables de l’institution onusienne.

Tamise et Brahmapoutre

Les fleuves qui posent problème et dont les mauvais résultats ont surpris les chercheurs sont aussi bien européens qu’asiatiques puisque la Tamise qui traverse l’Angleterre comme le Brahmapoutre qui irrigue le Bangladesh sont concernés, même si le second présente une concentration supérieure. Mais le « beau Danube » réputé bleu, deuxième fleuve d’Europe pour sa longueur, vient au premier rang pour son niveau de pollution médicamenteuse, le record étant détenu lors de sa traversée de l’Autriche. Des niveaux considérés comme dangereux ont également été identifiés au Pakistan, au Kenya, au Ghana et même dans les rares systèmes d’irrigation situés à la frontière de la Palestine et d’Israël. Les mêmes risques ont été identifiés dans la Seine, le Mékong ou le Tibre.

De nombreux scientifiques et des responsables politiques reconnaissent désormais le rôle de l’environnement dans la progression des résistances aux traitements par les antibiotiques. Les résultats préoccupants vont nous ouvrir les yeux car ils montrent à quel point le système mondial des cours d’eau contribue à cette contamination. Régler ce problème sera une tâche gigantesque et nécessitera de lourds investissements dans le domaine du traitement des déchets et des stations d’épuration des eaux.

S’agissant des antibiotiques identifiés, c’est la ciprofloxacine qui a été le plus fréquemment identifiée. Ce médicament est utilisé pour combattre de nombreuses infections, notamment celles qui affectent les poumons et les bronches. Ce produit est interdit d’utilisation pour les enfants et les femmes enceintes, qui risquent donc d’en absorber par le biais de la consommation d’eau. Le produit « vedette » identifié au Bangladesh est le métronidazole, un antibactérien traitant de nombreuses affections allant de l’acné aux troubles intestinaux.

Évidemment, ces résidus de produits antibiotiques n’empoisonnent personne mais ils contribuent à la croissance rapide de la résistance aux pouvoirs de guérison de nombreux médicaments, comme le souligne le professeur Alistair, le patron de l’Institut environnemental de l’université de York qui a réalisé cette étude :

Écologie Santé
Temps de lecture : 3 minutes
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