La chute d’un ambitieux sans scrupule

On connaissait François de Rugy parjure. L’opinion a découvert ces jours-ci un Tartuffe.

Michel Soudais  • 16 juillet 2019
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La chute d’un ambitieux sans scrupule
© Photo : GEORGES GOBET / AFP

Et de quinze ! François de Rugy, qui a annoncé cet après-midi sa démission du gouvernement quelques minutes avant les questions au gouvernement de l’Assemblée nationale, alors qu’il devait ensuite rejoindre le Sénat pour y présenter sa loi énergie climat, est le quinzième ministre à quitter le gouvernement depuis l’élection d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Par obligation (Richard Ferrand, François Bayrou, Muriel de Sarnez, Sylvie Goulard, Françoise Nyssen, Laura Flessel) ou par choix (Nicolas Hulot, Gérard Collomb, Benjamin Griveaux, Mounir Mahjoubi, Nathalie Loiseau…). Un choix que le ministre de la Transition écologique et solidaire n’avait plus vraiment face à la multiplication des révélations embarrassantes sur ses dîners fastueux, ses travaux aux frais du contribuable, son appartement à vocation sociale, sa proximité avec des lobbyistes de l’énergie, ses impôts et l’usage de ses frais de mandat.

La porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye peut bien déclarer n’avoir « aujourd’hui absolument aucune indication tendant à démontrer que François de Rugy a commis des actes qui sont contraires à la justice », l’étalage des petits arrangements et libertés prises par ce dernier ne pouvait que heurter l’exigence accrue d’exemplarité des responsables politiques, dans un contexte exacerbé par la crise des gilets jaunes. Les députés LREM l’ignoraient si peu que seulement 40 d’entre eux (sur 304) avaient accepté durant le week-end de signer une tribune de soutien à leur ministre ; vu le succès de la démarche, le texte est resté lettre morte.

Cette tribune rappelait la transparence promue par l’ancien député alors qu’il était au Perchoir. Élu des Verts puis d’EELV, qu’il avait quitté brutalement en 2015 pour coller au gouvernement de Manuel Valls, François de Rugy avait été l’un des premiers à publier ses frais de mandat sur Internet. Il avait juste omis de dire qu’il pouvait arriver que ces derniers lui servent à régler sa cotisation d’élu à EELV. On l’avait connu parjure quand il s’était rallié à Emmanuel Macron avant le premier tour de la présidentielle, reniant son serment de soutenir le vainqueur de la primaire de la gauche à laquelle il s’était présenté. L’opinion a découvert ces jours-ci un Tartuffe.

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Au ministère de l’Écologie, il laisse un bien pauvre bilan. Opposé au Ceta quand il était encore à EELV, il n’a pas levé le petit doigt contre sa ratification prévue demain à l’Assemblée nationale, s’est montré inexistant à la COP24, permissif vis-à-vis des lobbys, méprisant envers les militants du climat mobilisés face au manque d’ambition de sa politique climatique… Son projet de loi énergie climat, dont la discussion débute au Sénat, est conforme à la politique des petits pas que son prédécesseur avait dénoncé en démissionnant fin août 2018. Il s’est contenté de la perpétuer, tout flatté d’être parvenu à se hisser au deuxième rang du gouvernement. Il n’est aujourd’hui plus grand-chose.

Politique
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