Park Jiha : le temps, l’espace et le son

La multi-instrumentiste coréenne Park Jiha signe un deuxième album au minimalisme envoûtant.

Jacques Vincent  • 9 juillet 2019 abonné·es
Park Jiha : le temps, l’espace et le son
© crédit photo : kim jaewo

Park Jiha est une musicienne coréenne, chanteuse et multi-intrumentiste. Elle utilise plusieurs instruments traditionnels comme le piri, qu’elle décrit comme un type de hautbois, le saenghwang, ressemblant à une sculpture en bambou, une sorte d’orgue à bouche qui produit un son proche du mélodica, et le yanggeum, instrument à cordes joué avec des tiges de bambou, un des rares instruments coréens dotés de cordes en métal, ce qui lui confère une rudesse particulière. Des objets fait de matériaux naturels conservés dans leur état premier. Elle aime, dit-elle, le charme qui en résulte. Peut-être faut-il prendre le mot dans son sens ancien. En tout cas, les sons qu’en tire Park Jiha, comme s’ils arrivaient du fond des temps, ont le pouvoir d’entraîner l’auditeur dans ce qui ressemble à un rituel ancestral et envoûtant, écho d’un passé lointain.

Dans son premier album, Communion, Park Jiha a mêlé ces instruments à d’autres plus classiques pour nous, tels le vibraphone, le saxophone, la contrebasse et la clarinette basse, aboutissant à une forme de jazz méditatif. Elle est pratiquement seule sur celui-ci. La musique est plus âpre. Elle est faite de stridences, de grincements, et joue sur les étirements et les répétitions, qui provoquent rapidement un sentiment d’irréalité.

On repense à cette déclaration dans laquelle Park Jiha explique que ce disque évoque son amour pour le temps, l’espace et le son. Et sans doute pour les sons qui agissent sur l’espace et le temps sans pour autant engendrer des compositions particulièrement longues.

Aux sons des instruments s’ajoutent parfois ceux de la nature, vent, pluie, tonnerre, qui s’invitent dans la partition comme ils pourraient compléter le décor dans les récits d’un conteur. Les voix, elles, se font rares. On entend seulement Park Jiha chanter sur un titre et la poétesse libanaise Dima El Sayed lire un de ses poèmes, « Easy », sur un autre.

On comprendra que, par sa singularité, cette musique résiste aux comparaisons. Certains ont évoqué Jon Hassell et sa série d’albums Fourth World, notamment pour une approche mélangeant musiques traditionnelles et traitement électronique. Mais c’est oublier que la musique de Park Jiha ne partage pas le formalisme abstrait de celle du musicien américain.

Il serait plus juste d’évoquer un groupe comme Popol Vuh, moins pour une réelle similitude musicale que pour le type d’expérience d’écoute proposé. Nous parlons bien sûr du Popol Vuh d’après les synthétiseurs, quand le leader du groupe, Florian Fricke, pourtant pionnier dans l’expérimentation de ces nouveaux instruments, avait décidé de revenir aux instruments classiques, le piano en premier lieu, empruntant un nouveau chemin qui, étonnante coïncidence, avait aussi ouvert une longue collaboration avec une autre chanteuse coréenne, la soprano Djong Yun.

Philos, Park Jiha, Differ-Ant.

Musique
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