Plus d’excuses

Pour Martin Page, « parler de bien-être animal dans les abattoirs est de la pure propagande ».

Sébastien Fontenelle  • 3 juillet 2019 abonné·es
Plus d’excuses
© crédit photo : CHARLY TRIBALLEAU / AFP

L’autre jour, tavu : Politis a publié en ligne (1) une tribune surtendue du politologue Paul Ariès, qui répétait là pour la énième fois que les véganes sont « des idiots utiles du capitalisme » et que, si t’es de gauche, tu dois plutôt continuer à manger de la viande, mais en exigeant qu’elle soit élevée, puis tuée (puis découpée) avec amour, dans des jolies fermes, par des paysan·ne·s charitables – et en la mâchant lentement, steuplaît, sinon t’es pas slow food (2). Est-ce que ça m’a énervé de lire ça ? Quelque peu.

Puis, juste après, tarevu : Politis a publié dans le courrier des lecteurs de la semaine dernière une lettre de Jean-Claude, qui commençait plutôt bien puisqu’il trouve lui aussi que Paul Ariès développe « une vision bien trop idyllique de l’élevage paysan », mais qui finissait supermal par cette proclamation (que je vais essayer de recopier sans m’étrangler) : « Pour être un écologiste responsable, il faut être spéciste, quitte à assumer pleinement la position unique de l’homme (3) dans le monde vivant. » Est-ce que ça m’a énervé de lire ça (juste après que ça venait déjà de m’énerver quelque peu de lire la tribune de Paul Ariès) ? Considérablement (4).

Mais à quelque chose malheur est bon (comme disait un éleveur gentil en constatant que l’immolation de l’attachante Pâquerette allait tout de même lui rapporter un petit pécule). Car il y a un moment que je voulais te parler de Martin Page, écrivain, dont les livres sont ravissants (5), et qui en a précisément consacré un (6) au récit de sa transition vers le véganisme – dont je voudrais, pour finir, te soumettre cet extrait, où nous pourrions presque trouver, en méditant sa conclusion, quelque chose comme une boussole : « Il n’y a pas de viande heureuse, tuer sans douleur n’est pas possible, parler de bien-être animal dans les abattoirs est de la pure propagande. Un agneau qui est tué pour être servi à table n’a que faire de nos bons sentiments. Défendre les petits producteurs, défendre l’abattage à la ferme, c’est toujours trouver des excuses pour continuer l’abattage des animaux. In fine_, ça favorise l’industrie, car le discours général ne change pas : on a le droit de tuer les animaux pour notre simple plaisir gustatif. La défense d’un soi-disant élevage respectueux des animaux n’est qu’un moyen de soulager la conscience de ceux qui ont les moyens de manger cette viande. C’est un privilège de classe._ […] Il ne doit plus être possible de dire qu’on aime et dans le même temps de blesser, maltraiter, tuer. C’est ce système de pensée, l’ennemi. »


(1) www.politis.fr, le 24 juin.

(2) Je résume un chouille, mais le gars dit à peu près ça – sauf pour le slow chewing, j’avoue.

(3) Et de sa femme ?

(4) J’espère – et escompte – d’ailleurs que quelqu’un·e de mieux rompu·e que je ne le suis à ces discussions viendra prochainement répondre à tout cela.

(5) Le dernier paru, drôle, important et passionnant, questionne une autre norme, sexuelle. Au-delà de la pénétration– c’est son titre – peut être commandé sur www.monstrograph.com

(6) Les animaux ne sont pas comestibles, Marabout, 2018.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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