Suis-je (ami des) bête(s)

Ça n’a pas servi à grand-chose qu’après m’être fait gauler autour de quelques homards au champagne j’aille crier que je fais une intolérance aux crustacés.

Sébastien Fontenelle  • 17 juillet 2019 abonné·es
Suis-je (ami des) bête(s)
© crédit photo : JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

M*ais que je suis c*, p* que je suis c*

J’avais complètement oublié que j’avais fait ce tweet, au mois d’août 2012, pour raconter au monde que je venais de me taper du poisson et une araignée de mer, et que par conséquent mes vacances commençaient hyper bien – « et la pêche aussi », avais-je même précisé : que je suis c, p__*__ j’en boufferais des hameçons.

Résultat, ça n’a pas servi à grand-chose qu’après m’être fait gauler autour de quelques homards au champagne payés par les contribuables j’aille crier chez RMC qu’il fallait qu’on me lâche vite fait le filet avec ces histoires de pompeux repas, vu que moi, d’une, j’aime pas les crustacés, de deux, j’aime pas le champagne, de trois, je fais d’ailleurs une intolérance aux crustacés (donne-moi un bout de crabe et j’ai les chevilles qui se mettent à enfler) et, de quatre, le champagne me donne d’affreuses migraines, comme on n’en a généralement que dans les moments où on est obligé d’écouter jusqu’au bout une allocution de Denis Baupin pendant le congrès des Greens – ou sinon, si on essaie de se faufiler vers une issue avant qu’il ait fini, y a Cécile Duflot qui dit : gade, en voilà encore un qui sèche encore un discours pénible pour aller s’enfiler quelques coupes avant le homard, ils sont quand même gonflés, ils se prennent pour qui, sérieusement ? Ils se croient dans un ministère ?

Puis, bien sûr, Édouard – mon chef – m’a passé un gros savon.

Pas exactement dans les termes qu’il a ensuite employés dans le communiqué où il a expliqué sans rire qu’il m’avait rappelé que « tout responsable public est astreint à la double exigence de transparence et d’exemplarité » : c’était plutôt du genre, t’es gentil, t’es plein de bonne volonté, Manu aussi voit bien que t’essaies de te couler dans les habitudes de la maison, mais on vient pas de passer deux ans à produire à la chaîne des bobards de compète pour que tu viennes tout saloper en balançant des vannes sans checker tes vieux tweets, bordel.

Et ça m’a énervé, alors je lui ai dit d’y aller mollo, et que c’était quand même pas non plus comme si j’avais affrété aux frais de la collectivité un avion privé à 350 000 balles pour rentrer du Japon, moi, si tu vois ce que je veux dire ? Édouaaaard ?

Et il l’a mal pris, et il s’est mis à hurler que lui, au moins, il passait pas sa vie à raconter depuis le ministère de l’Écologie qu’il avait cette passion pour « la pêche en mer » – le mardi tu tweetes que t’es Ernest Hemingway versus les espadons, et le dimanche t’annonces que tu vas lancer un groupe de travail sur le bien-être animal : t’es siphonné, ou quoi ?

Mais bien sûr, après être convenus que le mieux était que j’aille raconter au Journal du dimanche (où les employé·e·s savent se montrer souples) que j’étais victime d’un complot plénéliste, on s’est réconciliés, autour d’un verre de Petrus 1978 – et je dois dire que j’ai même bien ri quand Édouard m’a dit : « Attends, je fais une photo ! »

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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