« Ad Astra », de James Gray : tempérament céleste

Dans Ad Astra, James Gray réinvente la conquête de l’espace à travers un personnage d’astronaute chargé de retrouver son père du côté de Neptune.

Christophe Kantcheff  • 17 septembre 2019 abonné·es
« Ad Astra », de James Gray : tempérament céleste
© crédit photo : Twentieth Century Fox France

Autant le dire d’emblée : Ad Astra n’a pas la profondeur du film précédent de James Gray, The Lost City of Z, ce chef-d’œuvre. Il en a toutefois la splendeur : Ad Astra (« Vers les étoiles », en latin) ne comporte quasiment aucune image de paysages ou de décors naturels. L’action se déroule quasi intégralement dans l’espace : sur la Lune, sur Mars ou à proximité de Neptune. C’est la voie ouverte à toutes les inspirations visuelles. James Gray et sa directrice artistique, Christa Munro, ne s’en sont pas privés. Ils signent ici un somptueux opéra de couleurs, de formes et de perspectives.

Ad Astra, dont l’action se déroule vers 2120, débute comme un film catastrophe : la Terre reçoit des décharges nucléaires (des « surcharges ») venant de Neptune, qui risquent de l’annihiler. Lors d’une de ces décharges, l’ingénieur et astronaute Roy McBride (Brad Pitt, impressionnant dans ce rôle) échappe à la mort en effectuant un saut dans le vide à partir de sa station d’observation, située hors de l’atmosphère : une entrée en matière spectaculaire !

Une mission ultrasecrète et à hauts risques est confiée à McBride, au sang-froid hors norme : se lancer à la recherche de son père, Clifford McBride (Tommy Lee Jones), qu’il croyait mort mais qu’on lui annonce vivant, parti seize ans plus tôt pour une mission vers Neptune en quête d’une vie extraterrestre. Ses agissements pourraient être à l’origine des « surcharges ».

Comme le héros de The Lost City of Z s’enfonçait dans ­l’Amazonie pour rechercher un Graal, Roy McBride s’aventure aux confins du système solaire pour sauver l’humanité en même temps que se retrouver face à un totem. Roy s’est en effet toujours senti écrasé par la figure de son père, héros dans son pays, qu’il aime et admire au point d’avoir calqué sa personnalité sur la sienne et d’être resté sous son emprise. Roy McBride a ainsi focalisé toute sa vie sur son métier, se montrant inattentif aux autres, et particulièrement à sa femme, qui vient de le quitter. La misanthropie le guette comme elle a étreint son père, tourmenté jusqu’à la folie par l’idée de trouver de la vie au fin fond de la galaxie alors qu’il méprise celle qui est sur Terre. L’espace a été pour lui un refuge. Le fils doit se méfier de cette tentation. Ad Astra raconte aussi l’histoire d’une libération.

La question de la famille est toujours présente dans le cinéma de James Gray : elle atteint ici une dimension psychanalytique obsédante. Mais d’autres préoccupations surgissent. Ainsi, la vision de la Lune – devenue une succursale commerciale de la Terre où l’on se fait la guerre pour des raisons mercantiles – témoigne de l’incapacité des humains à ne pas importer toutes leurs tares sur des territoires vierges.

Il y a dans ce film comme un combat sous-jacent et continu entre la laideur et l’éclat. Mais comme le souligne Roy McBride, la beauté explorée dans l’espace par son père pendant tant d’années n’est portée par nul amour ni haine. Malgré sa magnificence, Ad Astra rappelle aussi que la beauté n’est pas une fin en soi.

Ad Astra, James Gray, 2 h 04.

Cinéma
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