Quand la haine paie

La condamnation d’Éric Zemmour, loin de lui porter préjudice, lui a ouvert de nouvelles opportunités.

Sébastien Fontenelle  • 25 septembre 2019 abonné·es
Quand la haine paie
© crédit photo : RAYMOND ROIG / AFP

Tout se passe plutôt bien, ces temps-ci, pour les producteurs de fiel – merci pour eux.

L’essayiste d’extrême droite Éric Zemmour a été, le 18 septembre dernier, définitivement condamné à 3 000 euros d’amende, pour incitation à la haine : la Cour de cassation a considéré que, « par leur sens et leur portée », les propos abjects qu’il avait, selon sa coutume, tenus en septembre 2016 dans une émission de la télévision de service public (1) et « qui désignaient tous les musulmans se trouvant en France comme des envahisseurs et leur intimaient l’obligation de renoncer à leur religion ou de quitter le territoire de la République contenaient un appel à la discrimination (2) ».

Mais cette condamnation, loin de lui porter préjudice, lui a au contraire ouvert de nouvelles opportunités : le jour même où elle était prononcée, il était par exemple – et de nouveau – invité chez BFM TV, où il débattait gravement de « l’immigration » avec Laurent Joffrin, directeur du quotidien Libération (3). Surtout, CNews – la chaîne d’info continue de Vincent Bolloré, où se produisent déjà tant et tant de raffiné·e·s humanistes – lui aurait, selon Le Parisien, proposé de le recruter – à la fin, probablement, de l’aider à mieux se réinsérer après sa condamnation, car on n’imagine bien sûr pas que cette offre d’emploi ait pu lui être faite précisément pour la raison qu’il profère très régulièrement des ignominies haineuses.

Le publiciste réactionnaire Alain Finkielkraut, dont le nouveau livre vient de paraître, bénéficie également des mêmes bénignités : invité, depuis quelques jours, à présenter partout ce nouvel ouvrage dans la presse et les médias dominants (4), il n’a pas pu ne pas remarquer que partout ses hôtes, pétris pour l’occasion d’une bienveillance qui change très agréablement – force est de le reconnaître – de leurs habituelles vitupérations de quiconque se situe trop à gauche de Jean-Michel Blanquer, lui avaient notamment épargné le rappel des saillies récentes, et à vrai dire toutes zemmouriennes, où il a notamment déploré que « tant de Français vivent à Saint-Denis, Sevran, La Courneuve, Tourcoing et même dans certains quartiers de Paris comme dans une terre étrangère ».

Mais gageons que ce prétendu « mécontemporain » n’en aura pas été plus étonné que cela – car il est après tout fort bien placé pour savoir qu’aujourd’hui ces obscénités, loin d’être disqualifiantes, sont en parfaite adéquation avec l’air pestilentiel du temps.


(1) Dont les animateurs, qui ne méconnaissaient bien sûr pas sa propension à proférer, dans ces occasions, des vilenies xénophobes, avaient tout de même fait le choix de l’inviter.

(2) Le Monde, 20 septembre 2019.

(3) Qui semble trouver du plaisir à cette proximité, puisqu’un autre débat entre ces deux mêmes éditocrates, portant cette fois sur « l’identité française », était organisé, au même moment, par Le Figaro – où les chroniques d’Éric Zemmour continuent d’être, comme si de rien n’était, publiées toutes les semaines.

(4) Il est ainsi passé, pendant que Le Figaro l’ensevelissait sous les louanges, de Libération au Monde, puis à L’Obs, puis chez France Inter – liste non exhaustive.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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