« Alice et le maire », de Nicolas Pariser : Affinités électives

Avec « Alice et le maire », Nicolas Pariser interroge les mœurs politiques et leurs limites, aidé par deux comédiens excellents.

Christophe Kantcheff  • 1 octobre 2019 abonné·es
« Alice et le maire », de Nicolas Pariser : Affinités électives
© crédit photo : bacfilms

Ils sont peu nombreux, les cinéastes français qui, dans une fiction, se coltinent la politique telle qu’elle fonctionne (ou pas). Au chapitre des réussites, on se souvient du formidable L’Exercice de l’État (2011), de Pierre Schœller. Nicolas Pariser a le grand mérite de s’y essayer également. Son premier long métrage, Le Grand Jeu (2015), nous avait paru, de ce point de vue, un peu timide. Alors qu’Alice et le maire prend davantage le taureau par les cornes.

D’un côté, le maire de Lyon (Fabrice Luchini), un élu qui règne sans partage sur sa ville, en proie à un problème de taille : il n’a plus aucune idée. De l’autre, Alice (Anaïs Demoustier), une jeune intellectuelle embauchée par le premier pour lui fournir ce qui désormais lui manque.

Par cette situation, le film pose avec justesse nombre de problèmes qui obstruent la politique aujourd’hui. Par exemple : l’embauche d’Alice est le fait du prince, et elle devient, grâce à la pertinence de ses propositions, la « coqueluche » du maire, qui décide de tout. Ou encore : Alice se retrouve en butte aux communicants qui entourent l’édile et qui, ordinairement, sont les seuls à maîtriser les éléments de langage. Où l’on retrouve la question démocratique, bien mal en point, et une conception verticale de la décision politique, dont on sent toutes les limites. Et ce, en dessinant un personnage d’élu non cynique, apparemment dévoué à sa ville et dont l’une des préoccupations est la justice sociale – Nicolas Pariser a intelligemment évité la caricature.

Pour autant, et même s’il le fait très agréablement avec un arrière-goût de comédie classique américaine, le film ne se borne pas à la seule dimension critique. Le titre, qui rappelle L’Arbre, le maire et la médiathèque, et la présence de Fabrice Luchini ne font pas songer au cinéma d’Éric Rohmer pour rien. Alice et le maire met aussi en scène la rencontre de deux êtres qui a priori auraient dû rester étrangers et qui finissent par profondément se comprendre.

Le maire et Alice ne sont pas le contraire l’un de l’autre, même si le pouvoir est la passion du premier alors qu’il laisse indifférente la seconde. Plus exactement, ils sont les deux faces d’une même pièce. Le premier est un animal politique. Il en a le feu, il ne pourrait imaginer faire autre chose. Mais la machine tourne à vide. Au contraire, Alice est tout en vivacité d’esprit, mais elle ne sait vers où la diriger, souffrant de manquer d’un but, d’un idéal. En fait, ils se complètent parfaitement. Ensemble, ils peuvent avoir l’impression d’être très forts. L’un est l’aiguillon de l’autre. Pas d’ambiguïté ni d’histoire d’amour, mais une effervescence continue quand ils sont ensemble, le sentiment d’être vivants et une vraie tendresse aussi. Une belle relation, pas si souvent montrée au cinéma, qui passe par des dialogues ciselés, un crépitement du verbe et un duo de comédiens au diapason. Avec un Fabrice Luchini usant de sa virtuosité avec mesure et une Anaïs Demoustier impressionnante de vérité. 

Alice et le maire, Nicolas Pariser, 1 h 43.

Cinéma
Temps de lecture : 3 minutes