À propos de « violence politique et sociale »

La démocratie, déjà abîmée, a été plus profondément encore dégradée par Emmanuel Macron.

Sébastien Fontenelle  • 29 janvier 2020 abonné·es
À propos de « violence politique et sociale »
© GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Dans l’avion présidentiel qui les ramenait d’Israël, Emmanuel Macron, lis-je sur le site d’une chaîne dite « d’info », « s’est emporté », devant quelques journalistes méticuleusement triés, contre «“les discours politiques extraordinairement coupables” affirmant que la France est devenue une dictature, et justifiant de ce fait la violence politique et sociale ».

On ne sait à qu(o)i, exactement, le chef de l’État français (à qui ses invités, appliqués à ne pas le fâcher, n’ont pas du tout demandé de mieux préciser son propos) faisait là référence, puisque dans la vraie vie, contrairement à ce qu’il soutient, personne, dans le débat politicien, n’a réellement soutenu que la France serait pour de bon devenue une dictature.

Ce qui, en revanche, est parfaitement vrai, c’est que nombre d’observateurs et d’observatrices font – bien obligé·es – le constat que la « démocratie » française, déjà sérieusement abîmée par ses prédécesseurs (1), a été, depuis son élection au mois de mai 2017, (beaucoup) plus profondément dégradée encore par Emmanuel Macron.

Et qu’en vérité, depuis qu’il a été propulsé dans l’Élysée par le (seul) hasard d’un face-à-face électoral avec la Pen qui lui a gagné les suffrages contraints de millions de Françai·ses, ce président arrogant et cassant règne très précisément par des violences politiques et sociales – comme celles qu’il inflige lui-même sans jamais s’empêcher, lorsqu’il assène par exemple à des ouvrières d’une entreprise en liquidation judiciaire qu’elles sont « pour beaucoup illettrées », ou lorsqu’il lance à un jeune chômeur inquiet de ne pas recouvrer un emploi en dépit de ses efforts qu’il lui suffirait de « traverser la rue » pour « trouver » du travail.

Et comme celles, bien sûr – plus concrètes encore –, qui président à son projet de brisement de la sécurité sociale des retraité·es (2) et à l’ahurissante brutalité de la répression policière, devenue coutumière dans son quinquennat, qu’il déchaîne désormais, après avoir laissé blesser et mutiler tant et tant de gilets jaunes, contre celles et ceux qui refusent de le laisser mener à son terme cette réforme odieuse.

Par ses mensonges et ses trucages, lorsqu’il impute par exemple à ses opposant·es une « violence politique et sociale » qui est en réalité la marque même de sa présidence, Emmanuel Macron montre qu’il a le goût de subvertir les mots, et des réalités qu’ils servent à nommer : on lui concède très volontiers qu’il n’est certes pas un dictateur, mais on voudrait aussi qu’il sache qu’on sait depuis Orwell ce que disent et portent de tels (més)usages du langage.

(1) Et singulièrement par le dernier en date, dont la contribution à ce pourrissement fut d’autant plus dégoûtante que, nonobstant qu’il s’était flanqué de M. Valls, il laissait encore dire qu’il était « socialiste ».

(2) Non moins qu’à la baisse, l’année dernière, de l’APL, pour ne citer que cet autre exemple, parmi tant d’autres.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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