Bernie 2022

À chaque fois que nous nous demandons qui, à gauche, pourrait nous éviter un désastre, la seule réponse possible est : personne, pourquoi ?

Sébastien Fontenelle  • 26 février 2020 abonné·es
Bernie 2022
© JIM WATSON / AFP

Tu l’as probablement remarqué : on rit moins, dans ce pays, depuis que M. Macron s’y est mis. Il s’en faut de peu, même, qu’on n’y pleure, jour après jour, de dépit ou de rage.

Ce n’est pas qu’on s’y soit spécialement ébaudi·e sous les règnes de MM. Sarkozy (qui était par surcroît flanqué de Brice Hortefeux) et Hollande (qui l’était de Manuel Valls), non plus d’ailleurs que sous ceux, auparavant, de MM. Mitterrand et Chirac – lesquels, déjà, étaient tous, comme on sait, à des degrés divers et selon des modalités différentes, de droite.

Mais force est de reconnaître que l’extrême brutalité dont le macronisme fait preuve depuis bientôt trois ans dans son entreprise de dislocation systématique de tout ce qui pourrait encore ressembler, de près ou de loin, à un dernier lambeau de solidarité (ou de sécurité) sociale, additionnée aux nouvelles quelque peu alarmantes qui nous arrivent du reste du monde, est d’un effet assez lourdement déprimant – qui fait que, en même temps qu’on se réjouit évidemment des mobilisations nouvelles et massives que soulèvent malgré tout ces agressions quotidiennes, on peine, parfois, à ne pas se laisser emporter complètement par l’angoisse et la détresse (1).

Car au surplus des violences étatiques qui nous sont quotidiennement infligées – et d’une (très) rapide radicalisation de la droite dite « républicaine », qui se voit encore ces jours-ci dans le très logique soutien qu’un Le Pen vient d’apporter, pour les municipales, à la candidature parisienne de Mme Dati –, nous devons endurer aussi l’évidence qu’à chaque fois que nous nous demandons, à deux ans et quart de la prochaine élection présidentielle, qui, à gauche, pourrait nous éviter un désastre, la seule réponse possible est : personne, pourquoi ?

Heureusement, il y a Bernie. Sanders. Qui nous aide à ne pas sombrer dans la désespérance. Qui, même, nous euphorise un peu.

En volant, aux États-Unis, depuis le début des primaires démocrates, de victoire en victoire. En tenant bon le cap, surtout, d’une gauche qui ne cède rien de ce qui la constitue. Une gauche entière, évidemment investie – ô combien – dans la lutte des classes (2). Mais qui pour autant ne renonce jamais à nommer toutes les discriminations pour ce qu’elles sont, et qui par exemple – au hasard – ne se sent pas tenue d’assortir ses protestations d’antiracisme de l’affirmation qu’« on a le droit d’être islamophobe » – ou de postuler que c’est bien beau d’accorder de l’attention aux revendications des minorités opprimées, mais à condition quand même de ne pas trop se laisser détourner de la-question-sociale.

Une gauche, quoi.

Il nous reste, ici, un peu plus de vingt-quatre mois pour en retrouver une : va pas falloir trop traîner.

(1) Ça faisait longtemps que je n’avais plus fait une phrase de trente kilomètres : ça me manquait.

(2) Ce vieux truc, tu sais, à propos duquel le milliardaire yankee Warren Buffett a déclaré en 2005 que c’était « [sa] classe, la classe des riches, qui [était] en train de [le] gagner ».

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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