L’avant-garde à la fête !

Notre Voyage autour de nos chambres #10 vous propose une immersion dans le site UbuWeb, qui réunit ce que les artistes les plus singuliers ont produit depuis plus d’un siècle. Souvent étrange, toujours hors norme !

Christophe Kantcheff  • 31 mars 2020
Partager :
L’avant-garde à la fête !
« Paris qui dort », de René Clairn
© Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP

Si l’on établissait un palmarès de la quantité des œuvres et documents proposés par les sites dont il est question dans « Voyage autour de nos chambres », UbuWeb serait hors compétition. Ouvrir ses différentes pages donne le tournis. UbuWeb a beau se situer sur un créneau a priori étroit – ce que l’avant-garde a produit d’hier à aujourd’hui –, un confinement (même long) ne suffira à l’épuiser.

La raison en est que l’avant-garde est une notion plus souple qu’on ne le croit. Disons qu’on trouve ici, rangées par noms d’artistes, compositeurs, cinéastes, penseurs, poètes…, des œuvres radicales, littéralement hors norme. Mais, comme disait l’autre : n’ayez pas peur ! Vous avez tout votre temps pour faire connaissance avec ces irréguliers (étymologiquement : « qui n’observent pas les règles »). D’autant que la plupart sont des pointures, voire des valeurs sûres.

Des artistes, des poètes, des cinéastes…

Créé en 1996 par le poète new-yorkais Kenneth Goldsmith (et donc rédigé en anglais), UbuWeb réunit nombre d’artistes anglo-saxons. C’est l’occasion, par exemple, d’écouter le poète William Carlos Williams, enregistré le 5 mai 1945, disant son poème Paterson, celui-là même qui a inspiré Jim Jarmush pour son film éponyme. Ou de voir le travail sur les mains du plasticien Richard Serra, et son film tourné sur un pont-tournant, Railroad Turnbridge (1975), qui interroge le point de vue du spectateur.

© Politis

Pour autant, le champ artistique français et francophone est largement représenté. Nous aimerions tout citer, mais restons raisonnable. Voici quelques noms, au hasard, que nous affectionnons particulièrement :

Germaine Dulac et sa vision de L’Invitation au voyage (1927) ;

Henri Michaux, et le réalisateur Eric Duvivier, signant un film, Images du monde visionnaire (1964), sur les effets qu’entraînent la mescaline (produit par les laboratoires Sandoz !) ;

Samuel Beckett, dont on peut voir l’unique film, intitulé Film (réalisé par Alan Schneider en 1964, avec Buster Keaton), ou entendre l’incroyable interprétation d’une de ses pièces brèves, Solo, par l’un de ses comédiens fétiches, David Warrilow ;

Le cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambéty et son court-métrage, Contras City (1968), sur les contrastes de Dakar, entre quartiers résidentiels à l’architecture coloniale et rues populeuses ;

Ou encore le plasticien Kader Attia et son œuvre intitulée Inspiration/Conversation (2010) (photo), métaphore possible de la parole africaine (la vidéo a été enregistrée au Cameroun) dont on n’entendrait que le souffle, rauque ou violent.

Paris entièrement vide…

Enfin pour terminer, deux curiositésla voix de Trotsky en 1938 et celle de Bertolt Brecht chantant, en 1925, un extrait de L’Opéra de quat’sous_ – ainsi qu’un petit bijou très en phase avec notre situation : Paris qui dort (1925), de René Clair, qui imagine un Paris entièrement vide, ou presque…

Lire aussi > Voyage autour de nos chambres #9

Pour lire tous les articles de la série > #AutourDeNosChambres

Cinéma
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don