Qu’est-ce que ça cache ?

Lorsque Zemmour écrit que Charles Maurras n’était « pas raciste », qu’est-ce que ça cache ?

Sébastien Fontenelle  • 19 mai 2021
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Qu’est-ce que ça cache ?
© DAMIEN MEYER / AFP

Samedi 15 mai, Le Figaro, délaissant passagèrement ses vitupérations contre la « cancel culture » et « la nouvelle censure de l’extrême gauche racialiste » pour se précipiter (encore une fois) au secours de Gérald Darmanin, qui venait d’interdire une manifestation de soutien aux Palestinien·nes, a publié une tribune expliquant – c’était le titre de cette contribution : « Derrière le soutien de l’extrême gauche au peuple palestinien se cache un antisémitisme latent. » De telles accusations ne sont pas nouvelles : il y a fort longtemps que la dénonciation de la politique coloniale et raciste du gouvernement israélien est ainsi présentée par la « gauche » (à guillemets) et la droite comme un « nouvel antisémitisme ». Et il est vrai que la gauche (sans guillemets) – nous, donc – a pu, sur de tels sujets, manquer parfois de vigilance et qu’elle doit continuer, comme elle le fait (pendant que la réaction, de son côté, se vautre dans l’abjection raciste), de s’interroger sur cette défaillance.

Mais en lisant ce titre du Figaro, où il était donc question de ce que « cache », selon ce journal, « le soutien de l’extrême gauche au peuple palestinien », d’autres questions me sont venues à l’esprit.

Comme celle-ci, par exemple. Lorsque Le Figaro publie en février 2018, après que la ministre de la Culture de l’époque a renoncé à commémorer la naissance du directeur politique de L’Action française, un article dans lequel son chroniqueur Éric Zemmour (1) écrit que Charles Maurras, chantre de « l’antisémitisme d’État » et contempteur fanatique des « métèques », n’était « pas raciste » : qu’est-ce que ça cache (2) ?

Ou celle-ci : lorsque ce même Figaro publie, le 19 avril 2018, dans le cadre d’une double page consacrée à « Maurras le maudit (3) », un article consacré à « l’œuvre abondante, variée, parfois (4) discutable » du même Maurras, dont l’auteur réussit l’exploit de ne pas mentionner une seule fois l’antisémitisme rabique de l’inventeur du « nationalisme intégral », qu’est-ce que ça cache ?

Ou encore, celle-là : quand, le même jour, et dans la même double page, Le Figaro publie un autre article dont les deux auteurs écrivent sans trembler que « l’antisémitisme de Maurras » – qui écrivait en 1936 que « c’[était] en tant que Juif qu’il [fallait]voir, concevoir, entendre, combattre et abattre le Blum » – « devient particulièrement tragique à partir de 1940 », qu’est-ce que ça cache ? 

(1) Plusieurs fois condamné pour provocation à la discrimination ou à la haine raciale ou religieuse et suppôt militant de l’infâme théorie selon laquelle le maréchal Pétain aurait « sauvé » les juifs de France.

(2) Dans le même article, Zemmour écrit également qu’« en censurant[…] le nom de Maurras, certains voudraient accréditer l’idée que les fameux “États confédérés” (Juifs, protestants, francs-maçons, métèques) gouvernent encore la France, qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. »

(3) Sic.

(4) Re-sic.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes
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