Général, les voilà

Selon Le Figaro, Franco était en réalité quelqu’un d’assez pacifique, qui avait été obligé de se lancer dans la tuerie que l’on sait à cause des agissements de ces salauds de rouges.

Sébastien Fontenelle  • 23 août 2022
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Général, les voilà
© Photo : DENIS DOYLE / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP

Pauvre (pauvre, pauvre) général Franco. Depuis plusieurs décennies, sa mémoire est obstinément décriée, sous le seul prétexte qu’il était un putschiste d’extrême droite, devenu l’un des pires tyrans du siècle dernier, responsable d’immenses massacres – et par exemple du crime abject, parmi tant d’autres, que fut le bombardement, perpétré le 26 avril 1937 par ses alliés nazis et fascistes, de la population civile de Guernica.

Son cas rappelle celui de ce pauvre (pauvre, pauvre) maréchal Pétain, dont le souvenir est depuis si longtemps dénigré, lui aussi – sur la seule foi de sa complicité active dans la déportation et l’extermination de dizaines de milliers de juifs par les nazis (et de ses autres crimes et forfaits).

Fort heureusement, il y a Le Figaro. C’est ce journal qui avait par exemple osé publier, au mois de février 2016, et au rebours de l’opprobre ambiant, une chronique dont l’auteur – Éric Zemmour, pour ne pas le nommer – dénonçait l’outrance de cette « diabolisation de Vichy ».

Et cet été, le 25 juillet, c’est une collaboratrice du même quotidien qui a publié un long entretien d’où ressortait en substance que Franco était en réalité quelqu’un d’assez pacifique, mais qu’il avait été obligé de se lancer dans la tuerie à cause des agissements de ces salauds de rouges – les rrrrrouges, comme on les appelait en 1952.

J’en rajoute à peine : cette journaliste a publié, pour la promotion de son article, un tweet narrant, je cite, que le Caudillo ne voulait pas du tout « s’engager dans [le] coup d’État » qui a provoqué la guerre d’Espagne, que cette pusillanimité lui valait même des moqueries de ses camarades qui le trouvaient du coup un peu trop efféminé, et qu’il ne s’était résolu à putscher, bien contre son gré donc, « qu’après l’assassinat du chef de la droite, Calvo Sotelo, par le garde du corps du chef du PSOE (1), Indalecio Prieto, le 13 juillet 1936 ».

Et quant au « bombardement de Guernica » par les aviateurs nazis de la légion Condor : il constitue, selon cette rigoureuse professionnelle – qui, n’assumant pas complètement son entreprise, cite là un pseudo-historien –, « un cas d’école […] de propagande efficace, très éloignée de la réalité, instrumentalisé par les conservateurs anglais pour convaincre leur opinion publique de la dangerosité militaire de l’Allemagne ».

Et, pour ce qui me concerne, je trouve formidable que Le Figaro fasse un si bon usage des millions d’euros dont l’État français le gave au titre des aides publiques à la presse – lesquelles ont pour fonction, comme on le sait, de faciliter la bonne information de l’opinion publique : j’attends ainsi avec beaucoup d’impatience que cette digne publication, après nous avoir narré que l’abomination de Guernica – coproduction fasciste, franquiste et nazie – a été bien moins abominable que nous ne le pensions, nous raconte à sa manière le massacre d’Oradour-sur-Glane, dont les 643 habitant·es ont été exécuté·es par les SS de la division Das Reich au mois de juin 1944.


(1) Parti socialiste ouvrier espagnol.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes
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