Chirac à contrecœur

Michel Soudais  • 21 mars 2007
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Quand Jacques Chirac soutient la candidature de Nicolas Sarkozy, il prend des gants et se met une pince à linge sur le nez pour déposer son bulletin de vote. Normal! Lui, connaît son bonhomme et n’a pas besoin d’imaginer à quoi ressemblera «la France d’après» que nous promet le président de l’UMP.
L’information est tombée en fin de matinée. Le chef de l’Etat apporte son soutien à Nicolas Sarkozy, nous dit-on. La belle affaire! Tout le contraire d’un scoop…

Pour bien mesurer la portée de l’onction présidentielle, il importe toutefois d’analyser la forme et le fond de la déclaration de Jacques Chirac.

Le Président sortant s’est contenté d’ une brève allocution télévisée , en fin de matinée, enregistrée sans le décorum présidentiel (drapeaux…) dans le Jardin d’hiver de l’Elysée à l’issue du Conseil des ministres. Dans la forme, elle n’était donc ni solennelle, ni chaleureuse .

Après avoir enregistré le «souhait» de Nicolas Sarkozy de «quitter le gouvernement lundi prochain» pour se consacrer pleinement à la campagne électorale, Jacques Chirac a indiqué que cela avait été «l’occasion» , pour lui et le Premier ministre, «de saluer son travail, son engagement, ses résultats au ministère de l’Intérieur» . Une formule très protocolaire. Un chef de l’Etat qui critiquerait les résultats d’un ministre qu’il a nommé (et gardé )se déjugerait lui-même. Impensable. A chaque fois que le Président a critiqué son ministre, ce fut à mot couvert et sans le nommer. Comme il l’a fait récemment encore sur «le ministère de l’immigration et de l’identité nationale».

Le syllogisme présidentiel

La suite mérite d’être citée intégralement: « S’agissant de les choix personnels , a poursuivi Jacques Chirac, *les choses sont simples. Il y a cinq ans, j’ai voulu la création de l’UMP et ceci pour permettre à la France de conduire une politique rigoureuse de modernisation, dans la durée.

»Dans sa diversité, cette formation politique a choisi de soutenir la candidature de Nicolas Sarkozy à l’élection présidnetielle et ceci en raison de ses qualités.

»C’est donc tout naturellement que je lui apporterai mon vote et mon soutien.»*

Simple et limpide en effet. Jacques Chirac justifie son choix par un syllogisme: il a créé l’UMP, l’UMP s’est prononcé pour Sarkozy, il épouse le choix de sa formation. Tout Président qu’il est (encore) il fait un choix de militant discipliné , rien de plus. Un choix qui est aussi «personnel» , ce qui dans l’ordre des soutiens est ce qu’on fait de plus faiblard. On se souvient qu’en 1981 c’est «à titre personnel» que le candidat Chirac, arrivé troisième au premier tour, avait soutenu Giscard dont il ne voulait pas la réélection.

Ce soutien à Sarkozy est d’ailleurs si personnel que cette allocution est, à cette heure, introuvable sur le site internet de l’Elysée . Il anéantit néanmoins «la rupture» dont l’ex-maire de Neuilly se voulait le porteur. Adoubé, fut-ce à contrecœur, par le Président sortant, le président de l’UMP est bien l’héritier de la France de maintenant. Un choix de continuité.

Le seul cadeau de Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy est finalement de le laisser en poste jusqu’à lundi pour permettre au ministre-candidat de se rendre aux Antilles pour faire campagne aux frais de la République. Une manière de faire de la politique décidemment très… chiraquienne.

Temps de lecture : 3 minutes
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