Comment Mme Royal veut contourner le PS

Michel Soudais  • 20 juin 2007
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Ségolène Royal remobilise les comités Désirs d’avenir. Elle vient de lancer une «nouvelle campagne d’adhésion» à son association au moment où elle ne cache plus son intention de prendre le pouvoir au PS. L’an dernier, c’était déjà par le biais de cette association, dévolue au culte de sa personnalité et indépendante du PS, qu’elle était parvenue à s’imposer dans la bataille interne pour la désignation du candidat socialiste à l’Elysée.

L’information n’a pas fait autant de bruit que l’annonce de sa séparation d’avec François Hollande. C’est pourtant dans la même soirée électorale que l’ex-candidate à la présidentielle a adressé aux responsables des comités Désirs d’avenir un message tout ce qu’il y a plus clair sur ses intentions. Message répercuté depuis par mail et sur certains sites des dits comités, comme celui du Canada.

Passés les remerciements d’usage adressés à ses sergents recruteurs du royalisme pour leur «soutien» et leur «implication» dans la campagne, « »Diam’s » de Poitiers»[^2] leur rappelle sa volonté de poursuivre le combat: «Ce que nous avons fait ensemble, à défaut d’une victoire[^3], constitue une force que nous devons faire fructifier.»

La suite en dit assez sur sa démarche et ses ambitions pour être citée intégralement: *«J’ai engagé un renouvellement profond de la vie politique, de ses méthodes et de la Gauche. Cela s’est traduit notamment par une forte participation des jeunes en particulier dans les quartiers. Nous devons poursuivre ensemble ce que nous avons entrepris. Il nous faut donc continuer massivement notre engagement pour approfondir la rénovation de la Gauche, au service de l’idéal qui nous rassemble.

» Gardez intactes votre énergie, votre ferveur et votre mobilisation.

» Je vous demande de remercier chaleureusement en mon nom, l’ensemble des militants qui ont travaillé avec vous et de leur proposer de continuer ensemble ce que nous avons commencé. Pour fédérer celles et ceux qui se reconnaissent dans notre démarche, je vous invite à leur proposer d’adhérer à Désirs d’avenir, ou à renouveler leur adhésion s’ils en sont déjà membres. Cette nouvelle campagne d’adhésion doit permettre à notre association de se doter de moyens plus solides pour appuyer l’action des comités locaux et poursuivre le site Internet.

» Nous avons en effet un programme de travail consistant, dont le thème central sera « Quelle gauche voulons-nous demain ? », sur lequel nous vous enverrons très rapidement des indications sous peu.»*

Que Ségolène Royal entreprenne de renforcer son association à l’extérieur du PS au moment même où elle prétend prendre la direction de ce parti, a de quoi surprendre.

  1. Si elle était certaine d’avoir derrière elle la majorité des adhérents socialistes, à quoi servirait-il d’entretenir une organisation parallèle? Le maintien et la relance de Désirs d’avenir sonne, de ce point de vue, comme un aveu de faiblesse dans la bataille qui s’annonce au sein du PS.

  2. Pourquoi rassembler ses partisans en dehors du parti plutôt que de convaincre les militants actuels du PS? Je vois deux réponses possibles, pas forcément contradictoires. Faire pression sur le vieux parti de l’extérieur sur le mode «voyez ce qu’attendent de nous des citoyens de toutes origines qui déjà se rassemblent…» Endoctriner une masse d’adhérents sans passé politique mais prêts à investir le PS pour le submerger si l’occasion se présente. Celle-ci pourrait venir d’une nouvelle campagne d’adhésion à 20 euros à l’approche d’un congrès. Ou prendre la forme d’assises de la gauche qui se conclueraient par l’absorbtion de quelques organsiations et de leurs adhérents au sein du PS, comme cela avait été le cas en 1974 avec le PSU de Michel Rocard.

Ainsi s’éclaire une mise en garde de Julien Dray, rapporté par Le Figaro ce matin. Sur i-Télé le Machiavel des bacs à sable de la candidate, qui souhaite préempter au profit de sa candidate le débat sur la refondation de la gauche, a proposé «que les discussions commencent cet été» . Et prévenu: si la discussion n’a pas lieu à l’intérieur du PS, elle se fera «à l’extérieur» . La relance de l’association Désirs d’avenir donne une idée de ce à quoi ressemble cet «extérieur».

[^2]: J’emprunte cette jolie formule à Jean-Christophe Cambadélis, qui publie aujourd’hui Parti pris (Plon, 306 p., 18,50 euros), un livre de «chroniques de la présidentielle chez les socialistes», dont une partie porte ce titre.

[^3]: La pensée Royal ne connaît pas le mot « défaite » et refuse obstinément de l’employer.

Temps de lecture : 4 minutes
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