CFDT : combien d’adhérents ?

Thierry Brun  • 7 septembre 2007
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La polémique sur la réalité des effectifs syndicaux est une histoire ancienne. Elle rebondit depuis le 5 septembre avec la publication par le magazine Liaisons sociales du contenu d’une étude financée par la Dares, organisme statistique du ministère de l’Emploi.

Intitulée « Les syndiqués en France 1990-2006 », cette étude conduite par les chercheurs Dominique Andolfatto et Dominique Labbé revoit à la baisse les chiffres officiels des effectifs annoncés par les syndicats. Il ressort que la CFDT n’auraut que 450 000 adhérents (contre 800 000 officiellement) et la CGT 525 000 (contre 710 000). L’étude place donc la CGT en tête des organisations syndicales alors que, selon les chiffres de la CFDT, la fin des années 1990 avait vu celle-ci, alors dirigée par Nicole Notat, dépasser une CGT en mutation. Cependant la CGT est toujours restée en tête des résultats aux élections prud’homales et professionnelles et elle devance la CFDT, FO, la CFTC, la CFE-CGC, l’Unsa et Solidaires.

Le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, a dénoncé les « résultats faux et trompeurs » de cette étude universitaire et a ajouté qu’elle « manque totalement de rigueur intellectuelle ». « On fait des comparaisons entre les syndicats et on n’applique pas à tous les syndicats les mêmes paramètres de calcul ! Et bien sûr, on applique à la CFDT un paramètre très défavorable, ce qui fausse le résultat ». Plusieurs ouvrages ont cependant décortiqué les méthodes de calculs des confédérations syndicales, certes différentes mais aussi trompeuses, dont ceux de Dominique Andolfatto et Dominique Labbé.

Ces observateurs attentifs ont relevé le mode de décompte qui permet à la CFDT de gonfler artificiellement son nombre d’adhérents. « Le nombre d’adhérents est calculé à partir du nombre de timbres mensuels acquittés à la confédération, peut-on lire dans l’ouvrage de Jean-Marie Pernot (« Syndicats : lendemains de crise ?, Folio, 2005). Celle-ci divise ce nombre par 8 et en déduit le nombre de ses adhérents. Ce calcul était justifié lorsque la cotisation était prélevée par le collecteur, ce qui conduisait à des discontinuités de prélèvement. Aujourd’hui, la presque totalité des adhérents acquitte sa cotisation par prélèvement automatique bancaire. Une division par douze serait plus proche de la réalité. Pendant les années 1990, la croissance progressive du prélèvement automatique explique une bonne partie de la croissance des effectifs ». Le secrétaire général de la CFDT a ainsi beau jeu de dénoncer des résultats faux. Reste qu’en matière de transparence sur la réalité des effectifs la confédération de François Chérèque n’as pas de leçon à donner aux autres. A cela, il faut ajouter que la CFDT a connu d’importantes défections en 2004 et 2005. Elles « ont sonné comme un avertissement pour la centrale de François Chérèque, note aussi Jean-Marie Pernot dans son livre. Elle semble depuis lors aux prises avec quelques interrogations sur sa stratégie ».

Interrogé par l »Agence france Presse, le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault n’avait pas formellement contesté les résultats ds universitaires, mais pointé des différences de mode de calcul. Il a en outre assuré n’avoir « jamais eu aucun doute » sur le fait que la CGT était « la première confédération en terme d’adhérents ». Mais la stratégie politique conduite par Bernard Thibault paraît dans une impasse. Les clivages internes qui ont vu le jour pendant la période du référendum sur le traité constitutionnel en ont montré les faiblesses. « Même si des progrès ont été enregistrés au cours des toutes dernières années dans certains secteurs comme le commerce, l’agroalimentaire, voire la métallurgie, il y a encore une certaine distance entre le taux de syndicalisation de la CGT et la légitimité à en représenter les salariés, indique Jean-Marie Pernot. L’objectif du million d’adhérents fixé par la direction confédérale au congrès de Montpellier (2003) restait encore hors d’atteinte deux ans plus tard », ajoute-t-il.

Dominique Andolfatto et Dominique Labbé évaluent à 1,9 millions le nombre de syndiqués en France et à 1,7 millions en retranchant les retraités. Ils en concluent que le taux de syndicalisation est de 7,2 % chez les salariés. Dans leur récent ouvrage (Histoire des syndicats, 1906-2006, Seuil 2006), les deux universitaires parlent de désyndicalisation et donnent des élements d’interprétation du déclin syndical en France. Pour la CFDT, un élément de ce déclin vient de son engagement dans la voie d’un « syndicalisme de transformations sociales négociées ». Dans une orientation adoptée au congrès de 1992, elle énonce même que « l’économie de marché est une réalité incontournable ». Ces stratégies contestées ont ouvert la voie à un nouveau syndicalisme de lutte pour une transformation d’ensemble de la société en toute indépendance des partis politiques, inspiré de la charte d’Amiens (1906).

Voici le nombre d’adhérents des différents syndicats estimé par l’étude de Dominique Andolfatto et Dominique Labbé.
CGT, environ 525 000 (710 000 officiellement)
CFDT, 450 000 (800 000)
FO, 310 000 (800 000)
CFTC, 105 000 (140 000)
CFE-CGC, 80 000 (160 000)
Unsa, 135 000 (300 000)
FSU, 120 000 (165 000)
Solidaires, 80 000 (90 000)

Temps de lecture : 4 minutes
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