A quoi sert le conseil national du PS?

Michel Soudais  • 26 octobre 2007
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A pas grand chose , semble-t-il. A la veille d’une nouvelle réunion du «parlement du PS», la question mérite en effet d’être posée. Voilà qu’une nouvelle fois le parti de François Hollande se divise sur la question européenne. Certains de ses dirigeants prônent ouvertement l’adoption du traité modificatif européen (Moscovici, Royal, Delanoë, Peillon…) parfois même en refusant de défendre le principe d’un référendum, soit par hostilité à ce mode de ratification (Moscovici), soit par je-m’en-foutisme (Royal). A l’exception de Jean-Luc Mélenchon, les anciens tenant du «non» à la «Constitution» européenne font profil bas et cherchent à arracher une incompréhensible et hypocrite abstention. Un rapport en ce sens a été présenté en bureau national, mardi soir, par Benoît Hamon, secrétaire national au projet européen [^2]. Le débat a été animé. Le bureau national le reprendra le 6 novembre. Mais dans cet entre-deux, les prises de positions en faveur du «oui» se multiplient sur la place publique.

Et de quoi va débattre le conseil national qui se réunit ce samedi à la Mutualité? De bien autre chose. Sont prévus dans l’ordre du jour de cette réunion un rapport des travaux des trois commissions de préparation des forums nationaux de la rénovation [^3], un point sur la préparation des élections municipales et cantonales, un rapport sur les relations du PS avec ses partenaires. Le tout étant suivi d’un débat général sur ces questions et enfin le vote d’une résolution sur la situation sociale et la politique du gouvernement.

Cette manière de discuter du sexe des anges a quelque chose de surréaliste à l’heure où la seule grande question est d’arrêter une position face à un traité qui engage l’avenir d’un demi-milliard de citoyens européens, excusez du peu. Et dont découlera bien des politiques nationales qu’il serait vain de rejeter par la suite après en avoir adopté les prémisses. Un texte fondamental, puisqu’il prime les législations nationales, qui accroît un peu plus les libertés du marché [^4], sans consentir aucunement à une harmonisation fiscale et sociale, sans modifier le statut de la BCE…

Le conseil national se prononcera-t-il un jour? Rien n’est sûr. Car après avoir annoncé que le PS n’avait le choix qu’entre le «oui» et l’abstention (voir mon précédent post), Stéphane Le Foll, directeur de cabinet de François Hollande, a indiqué mardi, à la sortie du bureau national, que si ce dernier parvient «à une position unanime» , la direction convoquera «un Conseil national extraordinaire» , afin de solenniser l’unité retrouvée des socialistes sur la question européenne. Dans le cas contraire, aurait-il dit, François Hollande fera voter le bureau national, et
la position du PS sera «la position majoritaire» , a-t-il poursuivi. Autant dire que le conseil national ne serait convoqué que pour solenniser une décision prise en cénacle plus restreint. Benoît Hamon, au cours d’un point de presse, ce matin, a contesté que le bureau national ait décidé de traiter le conseil national aussi cavalièrement, ce qui reste à vérifier.

Ce ne serait pas la première fois que cette instance délibérative serait mise au pied du mur. On se souvient que cela avait été le cas avec la campagne d’adhésion à 20 euros puisque celle-ci avait été lancée le 9 mars 2006, conférence de presse à l’appui, deux jours avant une réunion du conseil national chargée d’entériner cette grande braderie des adhésions.

D’ailleurs, les réunions du conseil national ne revêtent la plupart du temps qu’un aspect formel. Nous avons déjà eu l’occasion de le dire ici même pour ne pas nous répéter. Les responsables y tiennent souvent des propos différents de ceux qu’ils s’empressent de tenir à l’extérieur devant les médias. Et quand le conseil national vote une décision d’importance, elle est vite oubliée. Ce fut le cas à l’ouverture de la Conférence intergouvernementale de 2003 qui, après une interruption, allait aboutir au traité constitutionnel européen. Par 116 voix contre 61, le conseil national avait formulé «sept exigences» pour envisager d’approuver cette «constitution». Aucune d’entre elle n’a été satisfaite. On connaît la suite.

Il n’est pas inutile de les relire aujourd’hui pour mesurer l’étendue des renoncements du PS.
Les 7 exigences du PS en 2003

[^2]: Je conseille aux curieux le commentaire que Serge Faubert fait de son entretien d’hier à Libération , sur son blog.

[^3]: Ces forums ont pour thèmes: les socialistes et la nation; les socialistes et le marché; les socialistes et l’individu. Voir le site consacré à ces débats.

[^4]: C’est le cas notamment avec un amendement à l’article 188B du traité instituant la Communauté européenne qui assigne une mission supplémentaire à la politique commerciale de l’Union : « La suppression des restrictions aux investissements étrangers directs.» Ce qui revient à autoriser le retour de l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) rejeté en 1998. J’y reviendrai bientôt plus longuement, car dans la novlangue des eurocrates ces «restrictions» vont bien plus loin que les seuls obstacles douaniers et visent autant les législations sociales et fiscales.

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